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LE SALUT
PAR
LES JUIFS
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DU MEME AUTEUR
LE KÉ\'ÉLATkuR DU GLOBE, Christophe Colomb et sa Béatifi-
cation future. Préface de J. Barbey d'Aurevilly (épuisé).
PROPOS d'un entrepreneur de DÉxMOLlTIONS.
LE PAL, pamphlet hebdomadaire (les 4 n°^ parus).
LE DÉSESPÉRÉ, roman.
UN BRELAN d'excommuniés (Barbey d'Aurevilly — Hello —
Verlaine).
CHRISTOPHE COLOMB DEVANT LES TAUREAUX.
LA CHEVALIÈRE DE LA MORT, — Marie- Antoinette.
^^rfW^»^^>/^^^^^^/^^»
POUR PARAITRE PROCHAINEMENT :
LA FEMME PAUVRE, roman.
RKLLUAiRES ET PORCHERS (Confrontations littéraires).
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LÉON BLOY^
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LE SALUT
PAR LES
JUIFS
•
Quoci ,
scripsi, scripsL
PiLATE.
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'CkIN TRIGONO^»^
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Paris
-
LIBRAIRIE Adrien
DF.MAY
21, r^ue de Glxéiteaudiixi^ 21
1892
L'Auteur et V Editeur déclarent rése^t^er letcrs
ch'Oifs de traduction et de reproduction à Vétranger.
-0-
Cet ouvrage a été déposé au ministère de V Inté-
rieur [section de la Librairie) en Seiitemhre ^892.
• • •
s^M^:^ CETTE APOTHÉOSE
I
!
DE LA
VERMINE
EST NATURELLEMENT DÉDIÉE
A TOUS MES AMIS INCONNUS
MAIS DE FAÇON TRÈS PARTICULIÈRE
L'AUTEUR ANONYME
DE LA LETTRE QUE VOÎCI :
« Le catholique Léon Bloy ne sera pas blessé , on T espère ,
de recevoir cet argent Ne découvrant rien de lui^ ni dans les
journaux ni dans les revues^ depuis assez longtemps, on
suppose que les salauds de Vécritoire essaient à nouveau de
r affamer, et comme on a y par hasar d^ vingt francs ^ on se
permet, très respectueusement, de les lui passer,
45 En le remerciant d^être un génie et d* avoir nettoyé des
âmes.
tjn disciple fervent et fidèle, qui admtre, aime
et croit comprendrai
« PariSy is juillet Ç2, »
II
L'évidence éclate. Cet envoyeur d'argent est visiblement
nn pauvre^ puisqu'il est sans exemple qu'un riche ait jamais
fait une démarche aussi indiscrète.
Je ne serais même pas étonné d'apprendre que ce << disciple
fervent » est un mendiant dévasté par les famines, une sorte
de lépreux ayant péniblement économisé pour moi sur les
fessons du Patriarche.
Et je le supplie humblement de se faire connaître pour
que j'aie la gloire de le serrer dans mes bras.
Léon Bloy.
Post Scriptum, — Le timbre de la poste m'apprend que
cette lettre a pu être écrite au moment précis où M. Emile
Zola refusait de me recevoir en sa très bourgeoise demeure
de Médan.
La lecture de la Débâcle^ le seul de ses livres qui ne
charrie pas d'excréments, m'avait fait supposer que cet impur
vivandier du Matérialisme pouvait avoir quelque chose qui
ressemblait à une âme.
En conséquence, le jour même de la Soulographie Na-
tionale, je franchis une vaste plaine de boue et j'apparus
dans sa maison probablement étonnée de ma présence,
fut-ce à l'occasion d'une si déraisonnable solennité.
Mais comment prévoir la sottise inhospitalière et la timi-
dité malotrue d'un traitant de lettres absolument incapable
de comprendre ou de deviner ?
N'ayant jamais entendu parler, sans doute, que de ma
pauvreté légendaire, il dut croire, nécessairement, que j'étais
venu pour le tomber de quelques écus, — défiance de parvenu
«•
f
ni •
qu'impliquait, d'ailleurs, la jocrisserie du mobilier, — et il
me fit notifier son inflexible résolution de ne pas me voir.
Cet homme qui avait tant à recevoir craignit d'avoir à
donner !
Je partis, naturellement, sans même secouer la crotte
de mes bottines sur ce seuil banal que n'avait certes pas
en vue le Précepte évangélique.
Mais la vraie nature de M. Zola s'éclaira pour moi d'une
lumière implacable et je ne regrettai pas mon voyage.
Dans cette clarté, se manifesta la bassesse ingénue d'un
écrivain repu de triomphes qui se dérobait avec soin
lorsqu'un messager de V Absolu venait l'avertir.
Et il m'arriva de penser que cet indigent Vainqueur
dont l'œuvre néfaste est probablement achevée, devrait bien
se préparer à la mort prochaine que la malédiction des
pauvres attire.
Paris^ 18 juillet i8ç2.
DE PROFUNDIS
Du fond de Fabîme, Jésus clame vers Son Père,
et cette clameur éveille, dans les entrailles les plus
intimes des gouffres, — infiniment au-dessous de ce
qui peut être conçu par les Anges, indiciblement plus
bas que tous les pressentiments et tous les mystères
de la Mort, — le très étouffé, le très lointain, le très
pâle gémissement de la Colombe du Paraclet qui ré-
percute en écho le terrible Deprofimdis.
Et tous les bêlements de TAgneau vibrent ainsi
dans la Fosse épouvantable, sans qu'il soit possible de
supposer une seule plainte exhalée par le Fils de
l'Homme qui ne retentisse pas identiqiiSTiieiit dans
les impossibles exils oii s'accroupit le Consolateur. . .
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LE SALUT
PAR
LES JUIFS
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LE SALUT
PAR
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Quod sctipsî, scripsi,
PiLATE.
I
« Salus ex JuDiEis EST » . Le Salut vient
des Juifs !
J'ai perdu quelques heures précieuses de
ma vie à lire, comme tant d'autres infortunés,
les élucubrations anti-juives de M. Drumont, et
je ne me souviens pas qu'il ait cité cette parole
' Tiple et formidable de Notre Seigneur Jésus-
Jhrist, rapportée par saint Jean au chapitre
latrième de son Evangile.
LE SALUT PAR LES JUIFS
Si ce journaliste copieux daigna jamais
s'enquérir des Textes sacrés et s'il est en mesure
de démontrer, pour ma confusion, que ce pré-
cepte considérable est mentionné dans tel ou tel
des volumineux pamphlets dont il assomme
régulièrement les peuples chrétiens, — il faut
dire alors que cet hommage au Livre saint est si
merveilleusement aphone^ pénombral, rapide et
discret qu'il est presque impossible de l'aperce-
voir et tout à fait impossible d'en être frappé.
C'est quelque chose pourtant, ce témoi-
gnage du Fils de Dieu !
Je sais bien que saint Augustin en a terri-
blement affaibli la portée dans sa pauvre exégèse
des « deux murailles » , qu'il est loisible de con-
sulter au quinzième traité du commentaire beau-
coup trop fameux de ce vénérable Docteur. *
Mais on était alors au v® siècle ; la Réproba-
tion d'Israël avait commencé depuis l'exorbitante
catastrophe de Jérusalem; l'espèce humaine,
à moitié conquise déjà par les successeurs de
Pierre, avait irrémédiablement froncé son cœur
et s'était endurcie pour toute la durée des temps
contre la descendance exécrée des bourreaux
du Christ.
L'effrayante brûlure des premières Perse-
LE SALUT PAR LES JUIFé 3
cutions se cicatrisait enfin et les grandes sèmaiU
les du sang des Martyrs étaient accomplies.
La pédagogie du Surnaturel tombait aux
théologiens, aux explicateurs, aux philosophes
désabusés, et la gênante assertion de Celui qui
fut appelé le Fils du Tonnierre pouvait être
écartée respectueusement, sans aucun danger de
scandale ou de simple étonnement pour une
Eglise toute rouge qui vagissait encore dans
son berceau.
Cette parole demeure cependant. Elle sub-
siste, malgré tout, en sa force mystérieuse, et
ressemble à quelque gemme très sombre, d'un
troublant éclat, rendue plus inestimable par
l'inattention téméraire des économes ou des
contrôleurs de la Foi.
, LE SALUT PAR LES JUIFS
II
Le Salut vient des Juifs ! Texte confondant
qui nous met furieusement loin de M. Drumont !
A Dieu ne plaise que je lui déclare la guerre, à
ce triomphant! La lutte, vraiment, serait par
trop inégale.
Le pamphlétaire de la France Juive peut se
vanter d'avoir trouvé le bon coin et le bon
endroit. Considérant avec une profonde sagesse
et le sang-froid d'un chef subtil que le caillou
philosophai de l'entregent consiste à donner
précisément aux ventres humains la glandée
dont ils raffolent, il inventa contre les Juifs la
volcanique et pertinace revendication des pièces
de cent sous.
C'était l'infaillible secret de tout dompter,
de tout enfoncer et de jucher son individu sur
les crêtes les plus altissimes:
I
lp: salut par les juifs
Dire au passant, fût-ce le plus minable réci-
piendiaire du pourrissoir des désespérés : — Ces
perfides Hébreux, qui t'éclaboussent, t'ont volé
tout ton argent ; reprends-le donc, ô Egyptien !
crève leur la peau, si tu as du cœur, et poursuis-
les dans la mer Rouge.
Ah! dire cela perpétuellement, dire cela
partout, le beugler sans trêve dans des livres ou
dans des journaux, se battre même quelquefois
pour que cela retentisse plus noblement au-delà
des monts et des fleuves ! mais surtout, oh ! sur-
tout, ne jamais parler d'autre chose^ — voilà la
recette et l'arcane, le médium et le retenfum de
la balistique du grand succès. Qui donc, ô mon
Dieu ! résisterait à cela?
Ajoutons que ce grand homme revendi-
quait au nom du Catholicisme. Or, tout le
monde connaît le désintéressement sublime des
catholiques actuels, leur mépris incassable pour
les spéculations ou les manigances financières
et le détachement céleste qu'ils arborent. J'ai
fait des livres, moi-même, en vue d'exprimer
Padmiration presque douloureuse dont me satu»
rent ces écoliers de la charité divine et je sens
bien qu^il m^eût été impossible de m'en empê^
cher.
!
6 LK SALUT PAR LES JUIFS
Il est donc aisé de concevoir l'impétuosité
de leur zële, quand les tripotantes mains, de
TAntisémite vinrent chatouiller en eux le pres-
sentiment de la Justice. On peut même dire
qu^en cette occasion^ les écailles tombèrent d^un
grand nombre d^yeux et le généreux Drumont j
apparut Tapôtre des tièdes qui ne savaient
pas que la religion fût si profitable.
' "•-■'
LE SALUT PAR LES JUIFS
m
Quelques profanes, il est vrai, se sont
demandé quelle victoire essentielle résidait,
pour la morale — même pratique^ — dans Tin-
déniable fait d'avoir entrepris de substituer au
fameux Veau d'or un cochon du même métal, et
quel avantage précieux le .Catholicisme allait
retirer de ces récriminations d'agio.
Car enfin, M. Drumont entrait en héros
dans Babylone, après avoir déconfit toutes les
nations sémitiques, et les admirateurs de ce
conquérant reniflaient sur lui la poussière du
saint roi Midas, mêlée aux onguents et aux-cin-
namomes dont s'adonise coutumièrement la car-
casse des dieux mortels.
Pour parler moins lyriquement, ça marchai
ferme, les gros tirages se multipliaient et les
droits d'auteur s'encaissaient avec une précision
8 LE SALUT PAR LES JUIFS
rothschildienne qui faisait baver de concupis-
cence toute une jalouse populace d'écrituriers
du même acabit qui n'avaient pas eu cette plan-
tureuse idée et qui résolurent aussitôt de
s'acharner aux mêmes exploits.
Tous les livides mangeurs d^oignons chré-
tiens de la Haute et Basse Egypte comprirent
admirablement que la guerre aux Juifs pouvait
être, — à la fin des fins, — un excellent truc
pour cicatriser maint désastre ou ravigoter
maint négoce valétudinaire.
On a vu jusqu^à des prêtres sans nombre,
— parmi lesquels devaient se trouver pourtant
de candides serviteurs de Dieu, — s'enflammer
ê
à Tespoir d'une bousculade prochaine où le sang
d'Israël serait assez répandu pour soûler des
millions de chiens, cependant que les intègres
moutons du Bon Pasteur brouteraient, en
bénissant Dieu, les quintefeuilles et les trèfles
d'or dans les pâturages enviés de la Terre de
promission.
L'entraînement avait été si soudain et si
prodigieuse l'impulsion que, même aujourd'hui,
nul d'entre eux ne paraît s'être avisé de savoir^
— décidément, — s'il n'y aurait pas quel,
danger grave, pour un cœur sacerdotal, à n
LE SALUT PAR LES JUIFS
tionner ainsi l'extermination d'un peuple que
l'Eglise Apostolique Romaine a protégé dix-
neuf siècles ; en fa^ur de qui sa Liturgie la plus
douloureuse parle à Dieu le Vendredi Saint;
d'où sont sortis les Patriarches, les Prophètes,
les EvangélisteSj les Apôtres, les Amis fidèles
et tous les premiers Martyrs ; sans oser parler
de la Vierge-Mère et de Notre Sauveur lui-même,
qui fut le Lion de Juda, le ]\JIF par excellence de
nature^ — un Juif indicible ! — et qui, sans doute,
avait employé toute une éternité préalable à
convoiter cçtte extraction.
Mais, quoi ! ne fallait-il pas suivre jusqu'au
bout le cupide saltimbanque, organisateur et
prédicateur de cette croisade pour le boursicaut,
qui ne cesse de prêchailler « à la pe-tite semaine »
sur le petit nombre des élus du Cofïre-fort Tout
Puissant? — et quelqu'un pourrait-il citer une
seule protestation catholique, lorsque s'étala,
sur nos reculantes murailles, l'incroyable effigie
de ce Turlupin sacrilège : en armure de cheva-
lier du Saint Sépulcre et foulant aux pieds ^
MOÏSE.!!!?
Ah ! cela dit tout.
10 LE SALUT PAR LES JUIFS
IV
En voilà donc tout à fait assez.
<
Je le répète, il n'entre pas dans ma pensée,
ni dans mon sujet, d'insister particulièrement
sur ce personnage dont le triomphe eût pu être
plus -grand encore sans le ridicule déconcertant
de sa vanité de pion parvenu, et qui, d'ailleurs,
• vient d'être frappé durement par un rigoureux
arrêt de cour d'assises.
Mais comment ne pas le nommer au moment
d'aborder cette incomparable question d'Israël
qu'il se glorifie sottement d'avoir abaissée jus-
qu'au niveau cérébral des bourgeois les plus
imbéciles ?
Je dois être peu soupçonnable d'amour
tendre pour les descendants actuels de cette race
fameuse. Voici^ pour commencer, ce que j'écri
vais, il y a six ans, dans un livre de colère qui
LE SALUT PAR LES JUIFS 11
l'hostilité générale s'efforça d'étouffer par tous
les moyens imaginables,
« Le Moyen Age, disais-je en parlant des
Juifs, avait le bon sens de les cantonner dans
des chenil^ réservés et de leur imposer une
défroque spéciale qui permît à chacun de les
éviter. Quand on avait absolument affaire à ces
puants^ on s^en cachait comme d^une infamie et
on se purifiait ensuite comme on pouvait. La
honte et le péril de leur contact était l'antidote
chrétien de leur pestilence, puisque Dieu tenait
à la perpétuité d'une telle vermine.
« Aujourd'hui que le christianisme a Tair
de râler sous le talon de ses propres croyants et
que l'Eglise a perdu tout crédit^ on s'indigne
bêtement de voir en eux les maîtres du monde,
et les contradicteurs enragés de la Tradition
apostolique sont les premiers à s'en étonner. On
prohibe le désinfectant et on se plaint d'avoir
des punaises. Telle est l'idiotie caractéristique
des temps modernes. » (i)
Je ne vois pas le moyen de changer un quart
de ligne à cette page gracieuse. Plus que jamais
il est clair pour moi que la Société chrétienne
(i) Le Désespéré j p. 201.
12 LE SALUT PAR LES JUIFS
est empuantie d'une bien dégoûtante engeance
et c'est terrible de savoir qu'elle est perpétuelle
par la volonté de Dieu.
Au double point de vue moral et physique,
le Youtre moderne paraît être le confluent de
toutes les hideurs du monde.
V
Me trouvant à Hambourg, l'anpassé, j'eus,
à l'instar des voyageurs les plus ordinaires, la
curiosité de voir le Marché des Juifs.
La surprenante abjection de cet emp-
de détritus emphytéotiques est diffici
exprimable. Il me sembla que tout ce qui
i/M-mrv»
LE SALUT PAR LES JUIFS 13
dégoûter de vivre était l'objet du trafic de ces
mercantis impurs dont les hurlements obséquieux
m'accrochaient, me cramportnaient, se collaient
à moi physiquement, m'infligeant comme le
malaise fantastique d'une espèce de flabellation
gélatineuse.
Et toutes ces faces de lucre et de servitude
avaient la même estampille redoutable qui veut
dire si clairement le Mépris, le Rassasiement
divin, l'irrévocable Séparation d'avec les autres
mortels, et qui les fait si profondément identi-
ques en n'importe quel district du globe.
Car c'est une loi singulière que ce peuple
d'anathèmes n'ait pu assumer la réprobation
collective dont il s'honore qu'au prix fabuleux du
protagonisme éventuel de l'individu. La Race
rejetée n'a jamais pu produire aucune sorte de
César.
C'est pour cela que je me défie de la tradition
ingénieuse, mais peu connue, j'imagine, qui
donne des Hébreux pour ancêtres au peuple
romain et remplace les compagnons d'Enée par
une colpnie de Berijamites, — expliquant la
Louve des deux Jumeaux fondateurs par l'ins-
:rutable prédiction d'Israël mourant : « Benja-
inhuFUSrapax^mane comedet prœdam etves-
14 LE SALUT PAR LES JUIFS
père dividet spolia. Benjamin, loup rapace, au
matin mangera la proie et au vêpre divisera les
dépouilles. » (i)
Les immondes fripiers de Hambourg étaient
bien, vraiment, de cette homogène famille de
ménechmes avaricieux en condition chez tous
les malpropres démons de l'identité judaïque,
telle qu'on la voit grouiller le long du Danube,
en Pologne, en Russie, en Allemagne, en Hol-
lande, en France même, déjà, et dans toute
l'Afrique septentrionale où les Arabes, quelque-
fois, en font un odieux mastic bon à frotter les
moutons galeux.
Mais où manausée. je l'avoue, dépassa toute
conjecture et tout espoir, ce fut à l'apparition
des Trois Vieillards ! . . .
(i) Genèse j chap. 49, v. 27.
' /
LE SALUT PAR LES JUIFS 15
VI
Je les nomme les Trois Vieillards, parce que
je ne sais aucune autre manière de les désigner.
Ils sont peut-être cinquante en cette ville privi-
légiée qui ne semble pas en être plus fière. Mais
je n'en avais que trois devant les yeux et c'était
assez pour que les dragons les plus insolites
m'apparussent.
Tout ce qui portait une empreinte quel-
conque de modernité s'évanouit aussitôt pour
moi et les y outres subalternes qui me coudoyaient
en fourmillant comme des moucherons d'abat-
toir s'interrompirent d^exister. Ils n'en avaient
plus le droit, n'étant absolument rien auprès de
ceux-ci.
Leur ignominie, que j'avais estimée com-
plète, irréprochable et savoureuse autant que
peut l'être un élixir de malédiction, n'avait plus
la moindre sapidité et ressemblait à de la noblesse
16 LE SALUT PAR LES JUIFS
en comparaison de cet indévoilable cauchemar
d'opprobre.
L'aspect de ces trois fantômes dégageait
une si nonpareille qualité d'horreur que le blas-
phème seul pourrait être admis à l'interpréter
symboliquement.
Qu'on se représente, s'il est possible, les
Trois Patriarches sacrés : Abraham^ Isaac et
Jacob, dont les Noms, obnubilés d'un impéné-
trable mystère, forment le Delta, le Triangle
équilatéral où sommeille, dans les rideaux de la
foudre, l'inaccessible Tétragramme !
Qu'on se les figure, — j^ose à peine l'écrire,
— ces trois personnages beaucoup plus qu'hu-
mains, du flanc desquels tout le Peuple de Dieu
et le Verbe de Dieu lui-même sont sortis ; qu'on
veuille bien les supposer, une minute, vivants
encore^ ayant, par un très unique miracle, sur-
vécu à la plus centenaire progéniture des immo-
lateurs de leur grand Enfant crucifié ; ayant pris
sur eux, — Dieu sait en vue de quels irrévélables
rémérés ! — la destitution parfaite, l'ordure sans
nom, la turpitude infinie, l'intarissable trésor
des exécrations du monde, les huées de toute la
terre, la vilipendaison dans tous les abîmes, —
et l'étonnement éternel des Séraphins ou des
V
LE SALUT PAR LES JUIFS 17
Trônes à les voir se traîner ainsi dans la boue
des siècles...
VII
Ah ! certes, oui, dans l'esprit de cette vision
qui paraîtra sans doute insensée, les trois êtres
affreux réalisaient bien l'archétype et le phéno-
mène primordial de la Race indélébile qui
accomplit, depuis bientôt deux mille ans, le
prodige sans égal de survivre, elle aussi, à ses
exterminateurs et d'en appeler éternellement à
tous les enfers de sa substantielle révocation.
Mais, bon Dieu ! quels épouvantables
ancêtres !
18 LE SALUT PAR LES JUIFS
Ils étaient vraiment trop classiques pour ne
pas se manifester aussi détestables que sublimes.,
Depuis Shakespeare jusqu'à Balzac, on a terri-
blement ressassé le vieil Hébreu sordide et
crochu, dénichantTor dans les immondices, dans
les tumeurs de l'humanité, l'adorant enfin tel
qu'un Soleil de douleurs et un Paraclet d'amour,
co-égal et co-éterne?% son Jéhovah solitaire.
Ils réalisaient triplement ce monstre en
leurs identiques personnes, ajoutant à l'horreur
banale de cet ancien mythe littéraire les affres
démesurées de leur véridique présence...
Abraham, Isaac, Jacob, descendus jusqu'à
ces Limbes néfastes !... Car mon imagination,
démâtée par l'épouvante, leur décernait instinc-
tivement les Appellations divines.
Et ma foi ! je renonce à les dépeindre,
abandonnant ce neuvième labeur d'Alcide aux
documentaires de la charogne et aux cosmo-
graphes des fermentations vermineuses.
Je me souviendrai longtemps, néanmoins,
de ces trois incomparables crapules que je vois
encore dans leurs souquenilles putréfiées, pen-
chés fronts contre fronts, sur l'orifice d'un sac
fétide qui eût épouvanté les étoiles, où s'amon
celaient, pour l'exportation du typhus, Icl,
LE SALUT PAR LES JUIFS 19
innommables objets de quelque négoce archi-
sémitique.
Je leur dois cet hommage d'un souvenir
presque affectueux^ pour avoir évoqué dans
mon esprit les images les plus grandioses qui
puissent entrer dans Thabitacle sans magnifi-
cence d'un esprit mortel.
Je dirai cela tout à Theure aussi clairement
qu'il me sera donné de le dire.
En attendant, j'affirme, avec toutes les
énergies de mon âme, qu'une synthèse de la
question juive est l'absurdité même, en dehors
de l'acceptation préalable du « Préjugé » d'un
retranchement essentiel^ d'une séquestration de
Jacob dans la plus abjecte décrépitude, — sans
aucun espoir d'accommodement ou de retour,
aussi longtemps que son « Messie » tout brûlant
de gloire ne sera pas tombé sur la terre.
20 LE SALUT PAR LES JUIFS
VIII
Jusqu^à ce jour, la parfaite justice d'en haut
ou d'en bas continuera d'exiger impérieusement
qu'on l'exècre en le vomissant. Rigoureuse-
ment, je sais bien que les Israélites peuvent être
appelés nos « frères », — au même titre, j'en ai
peur, que les plantes ou les animaux dénommés
ainsi par le séraphique saint François, qui ne
s'est jamais trompé. Mais les aimer comme tels
est une proposition qui révolte la nature. C'est
le surfaste miraculeux de la sainteté la plus
transcendante ou l'illusion d'une religiosité
imbécile.
Il n'a pas fallu moins que l'autorité d'un des
Douze pour certifier qu' « Elie fut semblable à
nous », car ce prophète qui eut le Feu pc"
viteur, paraît avoir été beaucoup plus ^^
homme ; mais les Juifs nés ou à naître dep"^'
1- 0/=kt*_
LE SALUT PAR LES JUIFS 21
Grand'Messe du premier Vendredi saint ne peu-
vent jamais être nos semblables.
Leur chair triste, réfractaire à tout mélange
pendant un si grand nombre de siècles, nous
avertit surabondamment de leur prodigieux état
d'exception dans l'humanité.
C'est la Souche, malgré tout, de Notre
Seigneur Jésus-Christ, réservée par conséquent,
inarrachable, immortelle, — effroyablement
ébranchée, sans doute, au lendemain du solen-
nel « Crucifigatur »,mais intacte en son support
et dont les racines adhèrent au plus profond des
entrailles de la Volonté divine.
C'est pour cela qu'ils sont tous impertuba-
blement identiques et si complètement résorbés
dans la personne extérieure de leurs paniques
vieillards. Les haillons noirs et la puanteur
sénile n^y changent absolument rien, et c'est
parce que je voyais avec précision tous les mil-
lionnaires contemporains, mâles ou femelles,
qui font l'orgueil de nos synagogues parfumées,
dans les trois carcasses mentionnées plus haut,
qu'elles m'impressionnèrent si durablement.
L'histoire des Juifs barre l'histoire du genre
lumain comme une digue barre un fleuve, pour
in élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais
22 LE SALUT PAR LES JUIFS
et tout ce qu'on peut faire c'est de les franchir
en bondissant avec plus ou moins de fracas,
sans aucun espoir de les démolir.
On l'a suffisamment essayé, n'est-ce pas?
et l'expérience d'une soixantaine de générations
est irrécusable. Des maîtres à qui rien ne résis-
tait entreprirent de les effacer. Des multitudes
inconsolables de l'Affront du Dieu vivant se
ruèrent à leur tuerie. La Vigne symbolique du
Testament de Rédemption fut infatigablement
sarclée de ces parasites vénéneux; et ce peuple
di-ssémiiié dans vingt peuples, sous la tutelle
sans merci de plusieurs milliers de princes chré-
tiens, accomplit, tout le long des temps, son
destin de fer qui consistait simplement à ne pas
mourir, à préserver toujours et partout, dans les
rafales ou dans les cyclones, la poignée de boue
merveilleuse dont il est parlé dans le saint Livre
et qu'il croit être le feu divin (i).
Cette nuque de désobéissants et de per-
fides, que Moïse trouvait si dure, a fatigué la
fureur des hommes comme une enclume d'un
métal puissant qui userait tous les marteaux.
L'épée de la Chevalerie s'y est ébréchée et ^'-
(i) Machabées^ Livre 2, ch. I.
LE SALUT PAR LES JUIFS 23
sabre finement trempé du chef musulman s'y est
rompu aussi bien que le bâton de la populace.
Il est donc bien démontré que rien n'^est à
faire, et, considérant ce que Dieu supporte, il
convient, assurément, à des âmes religieuses de
se. demander une bonne fois, sans présomption
ni rage imbécile et face à face avec les Ténè-
bres, si quelque mystère infiniment adorable ne
se cache pas, après tout, sous les espèces de
l'ignominie sans rivale du Peuple Orphelin con-
damné dans toutes les assises de PEspérance,
mais qui, peut-être, au jour marqué, ne sera pas
trouvé sans pourvoi.
24 LE SALUT PAU LES JUIFS
IX
Patience ! Ecoutez ceci, vous les pauvres
gens pour qui Jésus a voulu souffrir.
Si quelque fanatique de ma prose pouvait
un jour être suscité, le malheureux dénicherait
peut-être, avec le secours du ciel, les lignes sui-
vantes, aussi parfaitement ignorées, j'imagine,
que la page citée plus haut :
« On a fort écrit sur l'argent. Les politi-
ques, les économistes, les moraHstes, les psy-
chologues et les mystagogues s'y sont épuisés.
Mais je ne remarque pas qu'aucun d'eux ait
jamais exprimé la sensation de mystère que
dégage ce mot étonnant.
« L'exégèse biblique a relevé cette parti-
cularité notable que, dans les Livres saci
mot Argent est synonyme et figuratif
LE SALUT PAR LES JUIFS 25
vivante Parole de Dieu (i). D'où découle cette
conséquence que les Juifs dépositaires anciens
de cette Parole, qu'ils ont fini par crucifier
quand elle est devenue la Chair de PHomme, en
ont retenu, postérieurement à leur déchéance,
le simulacre^ pour, accomplir leur destin et ne
pas errer sans vocation sur la terre.
« C'est donc en vertu d'un décret divin
qu'ils posséderaient, n'importe comment, la
plus large part des biens de ce monde. Grande
joie pour eux ! mais qu'en font-ils ? » (2)
Ce qu'ils font de l'argent, je vais vous le
dire, ils le crucifient.
Je demande pardon pour cette expression
assez généralement inusitée, je crois, mais qui
n'est pas plus extravagante, si on y regarde
bien, que cette autre : « Manger de l'argent »,
dont la monstruosité réelle^ divulguée, ferait
expirer d'effroi les innombrables humains qui
l'utilisent.
J'ai dit exactement ce que je voulais dire.
Ils le crucifient, parce que c'est la manière juive
d'exterminer ce qui est divin.
(i) Ps. 11,7.
(2) Chrûtophe Colomb devant les Taureaux^ p. 108.
3
26 ' LE SALUT PAR LES JUIFS
Les symboles et les paraboles du Saint
Livre sont pour toujours, l'Eglise, infaillible,
n'ayant pas plus raturé les figures qu'elle n^a
congédié les prophéties. C'est l'éternité seule-
ment qui a leur mesure et les Juifs ayant égorgé
le Verbe fait chair, après l'avoir très jalouse-
ment gardé, aussi longtemps qu'il n'éclatait pas
à leurs yeux charnels, épousèrent à leur insu
l'effroyable pénitence d'être fixés à jamais dans
leur sacrilège et de continuer avec rage sur l'in-
destructible Symbole ce qu'ils avaient accompli
sur la chair passible du vrai Dieu.
Crucifier l'argent? Mais quoi! c'est l'exalter
sur la potence ainsi qu'un voleur ; c'est le dres-
ser, le mettre en haut, Visoler du Pauvre dont il
est précisément la substance ! . . •
Le Verbe, la Chair, l'Argent, le Pauvre...
Idées analogues, mots consubstantiels qui dési-
gnent en commun Notre Seigneur Jésus-Christ
dans le langage que l'Esprit Saint a parlé.
Car, sitôt qu'on touche à l'une ou l'autre de
ces effrayantes Images, qui sont si nombreuses,
elles accourent toutes à la fois et mugissent de
tous les côtés comme des torrents qui se hâte-
raient en bondissant vers un gouffre unique
central.
N
LE SALUT PAR LES JUIFS 27
C'est moi ! crie chacune d'elles.
— C'est moi, l'Argent, qui suis le Verbe
de Dieu, le Sauveur du monde ! C'est moi qui
suis la Voie, la Vérité, la Vie, le Père du siècle
futur ! . . .
— C'est moi, le Verbe, qui suis l'Argent, la
Résurrection, le Dieu fort, le très bon Vin, le
Pain vivant, la Pierre angulaire ! . . .
— C'est moi, la Chair, la chair débile, qui
suis pourtant la Joie des Anges, la Pureté des
Vierges, PAgneau des agonisants et le bon
Pasteur des morts ! . . .
— Et c^est moi toujours, moi le Pauvre, le
Père des pauvres, qui suis le Trésor des fidèles,
trésor de vermine et d^abjection, en même temps
que le Roi des Patriarches et la Force des Mar-
tyrs ! C^est bien moi qui suis TEsclave, le Cons-
pué, THurniHé, le Lépreux, le Mendiant horrible
dont tous les Prophètes ont parlé.,, et le Créa-
teur des voies lactées et des nébuleuses, par-
dessus le marché !
Mais qui donc pourrait avoir des pensées
dignes de tels objets.'^
28 LK SALUT PAR LES JUIFS
N
X
Ah ! quand Jésus clamait vers son Père :
« Pardonne -leur, car ils ne savent ce qu^ils
font », une telle prière d^un tel mourant, voulût-
on même qu'elle n^ ait pas été exaucée^ — suppo-
sition bien déconcertante, impliquant le plus
audacieux blasphème ; — une pareille dépréca-
tion d'agonie dut aller infiniment au delà de ce
qui peut être conçu ou pressenti par les hommes
ou par les Esprits des cieux.
Comme c'est la nature des cris divins de
s'élancer à la fois partout, celui-ci dut percer la
croûte du globe et retentir efficacement dans
les sombres couloirs de la terre où gisent les
minéraux dangereux tenus en réserve et recelés
avec soin par le désespoir des Anges vaincus.
L'impassible Argent, l'exécrable et ^'-'--*-
Argent par le moyen duquel Dieu voulut qu
Tachetât Lui-même comme une pièce de bel
LE SALUT PAR LES JUIFS 29
fut alors investi, pour Peffroi du genre humain,
de la Survivance mystérieuse et profondément
symbolique dont les enfants de Jacob allaient
être les curateurs.
Par le prodige d^un aveuglement qui dépasse
toute misère et décourage toute pitié, le plus
pâle des métaux remplaça, pour un peuple con-
damné à durer toujours, le Dieu livide qui expi-
rait entre deux voleurs.
En conséquence, j^estime que c'est Tenfan-
tillage sans innocence d\me émulation mercan-
tile, d^incriminer obstinément cette foule mélan-
colique pour sa félonie et pour sa cupidité sans
bornes. Il vaudrait mieux, sans doute, s^efForcer
d^apercevoir , ne fût-ce que dans un sillon
d^éclair, à travers la colonne de fumée fétide qui
se tient toujours sur son front de guerre, le
spectacle prodigieux de son châtiment sans fin.
Je le disais, il n'y a qu'un instant, on a vai-
nement assommé, grillé, pilonné les Juifs, pen-
dant des siècles et sur la superficie de tous les
empires. Ils sont forcés par Dieu, invinciblement
et surnaturellement forcés, d'accomplir les abo-
minables cochonneries dont ils ont besoin pour
accréditer leur déshonneur di instruments de la
Rédemption.
^
30 LE SALUT PAR LES JUIFS
On recommencerait aujourd'hui le même
carnage avec le même insuccès, puisqu'ils ne
peuvent absolument pas s'empêcher d'être ce
qu'ils sont et qu'il leur faut, au moins, l'arrivée
d'Elie et le déclouement des Mains et des Pieds
du Christ pour obtenir leur pardon.
XI
La sympathie pour les Juifs est un signe de
turpitude, c'est bien entendu. Il est impossible
de mériter l'estime d'un chien quand on n'a pas
le dégoût instinctif de la Synagogue. Cela
s'énonce tranquillement comme un axiome de.
géométrie rectiligne, sans ironie et sans amer
tume.
LE SALUT PAR LES JUIFS . 31
Je m'embarrasse peu, quant à moi, de ce
que les théologiens ou les économistes leur
reprochent. Il me suffit de savoir qu'ils ont com-
mis le Crime suprême, en comparaison duquel
tous les crimes sont des vertus, le Péché sans
nom ni mesure qui touche à l'intégrité divine et
qui n'aurait aucune chance de rémission si la
prière insensée de Jésus, ivre de tourments sur
sa Croix folle, n'intervenait pas.
Ils ont détesté le Pauvre, d'une détestation
infinie. Ils l'ont tellement détesté, que pour
l'outrager et le torturer à leur convenance, il a
fallu qu'ils rassemblassent de partout et qu'ils
appelassent à leur secours l'énergie de feu sou-
terrain des ressentiments héréditaires contre un
Sabaoth qui châtiait si terriblement, autrefois,
leurs transgressions.
Il a fallu qu'avec la patience de plusieurs
millions de fourmis qui s'acharneraient à
construire une montagne, ils accumulassent, à
l'avance, pendant des générations, contre
l'Homme unique et volontairement désarmé, les
plus féroces témoignages du Livre implacable
où l'Esprit du Dieu d'Israël avait écrit sa colère.
Retournant contre lui l'excessive menace de
leurs vieux textes, ils semblaient lui dire : « Ton
32 LE SALUT PAR LES JUIFS
Père nous a battus de verges, mais nous allons
te flageller avec des scorpions » (i). « Nous
froisserons ta chair avec les épines et les char-
dons du désert » (2), etc.
Les clameurs de possédés qui précédèrent
la Sentence et qui accompagnèrent, comme une
basse continue, l'incommensurable Supplice
furent assurément la plus complète manifesta-
tion de l'horreur humaine pour la Pauvreté.
Ce délire surnaturel ne pourra jamais être
dépassé et lorsque la houle des populaces dé-
mentielles grondera de joie sur les cadavres des
« Deux Témoins » dont l'Apocalypse a prophé-
tisé l'immolation, ce ne sera pas plus épouvan-
table.
Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de puis-
sants travaux d'exégèse pour savoir qu'en effet
Jésus-Christ fut le vrai Pauvre, — désigné
comme tel à chaque page de l'ancien ou du nou-
veau Testament, — Tunique parmi les plus pau--
vres, insondablement au-dessous des Jobs les
plus vermineux, le diamant solitaire et l'escar-
boucle d'Orient de la pauvreté magnifique, et
qu'il fut enfin la Pauvreté même annoncée par
(i) I^oiSj livre III, chap. 12.
{2) Juges, ch. 8.
r
LE SALUT PAR LES JUIFS 33
I - '
des Voyants inflexibles que le peuple avait
lapidés.
Il eut pour compagnes les « trois pauvretés »,
a dit une sainte. Il fut pauvre de biens, pauvre
d^amis, pauvre de Lui-même. Cela dans les pro-
fondeurs de la profondeur, entre les parois vis-
queuses du puits de TAbîme.
Puisqu'il était Dieu et qu'il n^avait accepté
de venir j:jue pour prouver qu'il était Dieu en se
manifestant vraiment pauvre, il le fut dans l'irra-
diation et la plénitude infinies de ses Attributs
divins.
Il n'y eut donc pas d'autre Victime que le
Pauvre et les excès absolument incompréhensi-
bles de cette Passion toujours actuelle, flagrante
à perpétuité, dont Tathéisme lui-même ne peut
assoupir l'effroi, sont inexplicables aux gens qui
ne savent pas ce que c'est que la Pauvreté,
« l'élection dans la fournaise de la pauvreté » ,
selon le mot d'Isaïe, qui montra les choses futu-
res et qui fut scié entre deux poteaux.
34 LE SALUT PAR LES JUIFS
XII
Les Juifs ont l'honneur indélébile d'avoir tra-
duit, à l'usage de l'humanité, la haine du Pauvre,
en un style de tourments dont l'éloquence a sup-
planté toutes les épouvantes connues.
Ils surent tellement l'énormité de leur be-
sogne qu'ils inventèrent le Couronnement d'é-
pines, pour qu'il fût irréfragable désormais qu'ils
avaient eu le pouvoir de conditionner, au moins,
un vrai Roi de l'abjection et de la douleur.
Cérémonie sans exemple jusqu'alors, dont
les savants du vieux Temple ne devaient pas
ignorer le sens profond. Les Epines sont l'ingré-
dient essentiel de la malédiction suprême, depuis
le Désastre initial, et « la moisson des épines à la
place de la moisson du froment » est un lieu
commun des plus hébraïques.
Ils se rappelaient sans doute le cri du La-
LE SALUT PAR LES JUIFS 35
mentateur : « Humiliez-vous et asseyez-vous par
terre, déplorable troupeau du Seigneur, car la
couronne de votre gloire est tombée de votre
tête » (i); et peut-être aussi les pétales de sang
vivant qui sortaient du front du Christ les fai-
saient-ils penser avec rage au Coronemus rosis
du cantique blasphématoire de la Sagesse (2).
Mais savaient-ils, ces docteurs pleins d'iro-
nie et de cruauté, que cette Couronne effroyable
régnerait sur eux à jamais et les opprimerait plus
durement que le Pharaon, puisqu'elle était posée
sur le chef mourant de Celui qui ne pouvait avoir
d^autre successeur que Todieux argent dont
ils devinrent, après sa mort, les misérables
esclaves ?
Car c^est un mystère fort troublant. La
mort de Jésus sépara essentiellement TArgent
du Pauvre, le préfigurant du préfiguré, en la
même façon qu'elle sépare te corps de Tâme dans
les trépas ordinaires.
L'Eglise universelle née du Sang divin eut
le Pauvre p(jur son partage, et les Juifs, retran-
chés dans l'imprenable forteresse d'un récalci-
(i) Jérém.^ chap. 13.
(2) Chap. 2, V. 8.
36 LE SALUT PAR LES JUIFS
trant désespoir, gardèrent l'Argent, le blême
argent griffé de leurs sacrilèges épines et désho-
noré par leurs crachats, — comme ils eussent
gardé sans tombeau le cadavre d'un Dieu sujet
à la corruption, pour qu'il empoisonnât Tuni-
vers ! '
XIII
Mais qui donc peut s'intéresser à ces véné-
rables Images sur lesquelles pourtant le monde
a vécu, et qui voudrait s'efforcer de les com-
prendre ? Un travail tel que celui-ci ne souffre
guère qu'on les écarte, et comment échapper à
la décourageante certitude qu'on ne sera pc
entendu ?
LÉ SALUT PAR LES JUIFS 37
Ils ont l'air parfois si contradictoires, ces
vocables, familiers ou rares, dont le sens littéral
est si divers et l'acception spirituelle si inva-
riable, qui disent tous à leur manière la Sub-
stance infinie et qui ne sont que des voiles d'un
tissu changeant au devant du même tabernacle !
On est tenté de les croire incohérents ou ca-
pricieux parce qu'ils se précipitent quelquefois
les uns sur les autres et qu'ils semblent tour à
tour se dévorer ou s'enlacer amoureusement.
Quand on les regarde avec fixité, ils se compé-
nètrent soudain et se. coalisent en un seul front
pour se multiplier derechef aussitôt qu'on s'ef-
force de les saisir.
Et quand, plein de lassitude, on 5'en dé-
tourne pour contempler de vaines ombres dans
les miroirs énigmatiques de cet univers, ils arri-
vent insidieusement, comme des obsesseurs très
subtils, et ils environnent l'esprit de leurs tran-
chées silencieuses ...
On a beau savoir qu'ils sont les flots d'un
identique Océan et qu'ils ne peuvent rompre les
digues de l'Unité absolue, l'ondoyance perpé-
tuelle de leurs aspects et le conflit apparent de
leurs couleurs déconcertent infailliblement l'o-
rientation la plus attentive.
38 LE SALUT PAR LES JUIFS
Il faut prendre son parti de n'obtenir jamais
que d'intermittents éclairs, car Jésus lui-même,
venu, disait-il, pour tout « accomplir », ne s'ex-
prima qu'en paraboles et similitudes.
L'interprétation des Textes sacrés fut autre-
fois considérée comme le plus glorieux effort de
l'esprit humain, puisqu'au témoignage de Tin-
faillible Salomon, « la gloire de Dieu est de ca-
cher sa parole » (i).
C'était, alorS; le temps des maîtres et le
règne tranquille des spéculations d'en haut.
Maintenant, c'est l'heure des domestiques et la
victoire décisive des curiosités d'en bas.
Il est donc au moins superflu d'espérer un
peu d'attention et je me garderais soigneuse-
ment d'y prétendre, si je ne savais pas qu'on
meurt de faim dans les étables du Pasteur et
qu^un grand nombre de voix réclament déjà la
clef du siècle prochain où les indigents supposent
que la Providence a mis en réserve le rassasie-
ment des esprits.
J'ai la douleur de ne pouvoir proposer âmes
ambitieux contemporains un révélateur authen-
tique. La conciergerie des mystères n'est pas
(i) Proverbes^ chap. 25, v. 2.
LE SALUT PAR LES JUIFS 39,
mon emploi et je n'ai pas reçu la consignation
des choses futures. Les prophètes actuels sont,
d'ailleurs, si complètement dénués de miracles
qu'il paraît impossible de les discerner.
Mais s'il est vrai qu'on en demande, par
une conséquence naturelle de ce point de foi
qu^il doit en venir un jour, je voudrais savoir
pourquoi on ne les demande jamais è! V unique
peuple d'où sont sortis tous les Secrétaires des
Commandements de Dieu.
XIV
Je sais bien qu'il y a l'histoire du figuier
maudit pour avoir été trouvé sans fruit, lorsque
Jésus était affamé. Il est vrai que « ce n'était
40 LE SALUT PAR LES JUIFS
pas encore le temps des figues ». L^Evangile
en fait la remarque . . ,^.
Il dit même qu'il n'y a pas lieu de à
pérer tout à fait si on creuse à l'entour et qu un
y verse des « excréments » (i). Un peu de
patience, il sera toujours temps de Tabattre s'il
s'obstine à ne produire aucun fruit.
Ce pauvre figuier qui n'a rien à donner au
pauvre Christ, parce que le temps de ses figues
n^est pas venu, m^intéresse passionnément. Car
il est rindiscutable symbole du peuple juif dont
il exprime souverainement la, prospérité.
Mais ne fallait-il pas qu'en attendant le
déluge des immondices pour l'exubérance d'une
fécondité ultérieure, il donnât tout de même un
fruit quelconque à ce Rédempteur impatient qui
l'avait maudit, et n'est-il pas permis de conjec-
turer que l'impénétrable Traître qui résumait
si bien la Race bifide, se suspendit précisément
à cet arbre de désespoir sous le feuillage duquel
tous les bons Hébreux de la tradition s'asseyaient
avec confiance.
Ce doit être l'étonnement des Esprits du
ciel de rapprocher du sort des Juifs, — à dater
(i) Luc, 13, 8.
LE SALUT PAR LES JUIFS 41
de cette horrible primeur^ — les antiques pro-
messes de domination glorieuse et d^allégresse
5/ternum » dont leurs Livres sont saturés.
-^A l'apparition du Pauvre, — imprévue
depuis deux mille ans, — tout ce qu'il y avait de
spirituel en eux a décampé et leur nature char-
nelle d'idolâtres compteurs d'argent s^est mani-
festée.
Judas est leur type, leur prototype et leur
surtype, ou, si on veut, le paradigme certain
des ignobles et sempiternelles conjugaisons de
leur avarice, à ce point qu^on les croirait tous
sortis, en même temps que les intestins^ du ventre
crevé de ce brocanteur de Dieu.
C'était un filou vulgaire, — un Klephte,
selon le grec, — dit le doux évangéhste Saint
Jean, et c'était lui qui « tenait la bourse » . 111a tient
encore, plus que jamais, et c^est cela, — exclu-
sivement, — qui nous procure le spectacle géné-
reux des indignations journalières de l'acéphale
contempteur de Sem.
Le Moyen Age, qui avait à peine la notion
du porte-monnaie et dont le cœur chavirait
d'amour, n'alla jamais au delà des trente pièces
d'argent qui ^lui paraissaient peut-être une
somme fabuleuse et qu'il eût préférée sans
4
42 LE SALUT PAR LES JUIFS
doute moins considérable, pour que l'opprobre
de son Dieu fût encore plus cousin-germain de
l'humiliation des souftre-douleur qui deman-
daient l'aumône en son Nom.
■
Les chrétiens d'alors comprenaient fort
bien qu'il n'y a dans le drame tumultuaire du
Vendredi Saint que deux personnages : les Juifs
et le Pauvre, et ils partageaient équitablement
leurs simples âmes entre l'adoration douloureuse
et l'horreur sans bornes, abandonnant tout le
reste aux docteurs subtils qui parlaient latin.
Je ne sais plus exactement où j'ai lu Taven-
ture assez naïve de cet ancien chevalier, siégeant
en sa qualité de haut notable dans un synode
assemblé pour le jugement ecclésiastique d'un
rabbin turbulent qui avait mis en circulation de
damnables gloses contre la Vierge Marie.
Après une longue dispute où l'audacieux
circoncis avait aisément confondu les théolo-
giens ignares qu'on lui opposait, et le louche
silence qui précède l'évacuation d'un arrêt sans
miséricorde ayant commencé, — le vieil homme
vêtu de fer, qui n'avait pas encore fait acte de
vivant, descendit avec. lenteur de la stalle en
cœur de vieux chêne où il avait paru s-
meiller et, s'approchant du talmudique :
; '^ »"»-» ^
•\
LE SALUT JPAR LES ^UIFS 43
— Juif, dit-il, tu as bien parlé, mais il reste
un argument que tu n'avais pas prévu et qui te
laissera sans réponse* "
A ces mots,. il dégaine son immense épée
de Ptolémaïs ou d'Antioche et le fend en deux,
comme un Sarrazin félon, de la tête aux pieds.
De telles anecdotes sont précieuses pour
exaspérer les imbéciles et rafraîchir Pimagina-
tion des bons chrétiens.
XV
Humble et grand Moyen Age, époque la
plus chère à tous ceux que les clameurs de la
Désobéissance importunent et qui vivent retirés
u fond de leurs propres âmes !
Les trois derniers siècles ont beaucoup fait
44 LE SALUT PAR LES JUIFS
pour le raturer ou le décrier, en altérant par tous
les opiums les glorieuses facultés lyriques du
vieil Occident. Il existe même un courant nou-
veau d'historiens critiques et documentaires, de
qui cette besogne odieuse est le permanent
souci.
Mais je crois bien que les Mille ans de
pleurs, de folies sanglantes et d^extases conti-
nueront de couler à travers les doigts des
pédants, aussi longtemps que le cœur humain
n'aura pas cessé d'exister; et c'est une remar-
que étrange que les Juifs sont, en somme, les
témoins les plus fidèles et les conservateurs les
plus authentiques de ce candide Moyen Age qui
les détestait ^oi/r V amour de Dieu et qui voulut
tant de fois les exterminer.
J'évoquais, en commençant, le souvenir de
ces malpropres et sublimes individus qu'il me
fut donné de contempler à Hambourg, — ani-
maux si bien conservés dans leur purin, si
intacts, si prodigieusement immaculés de tout
ce qui n'était pas la vermine des ascendants ou
des proches, que j'eus l'angoisse de me sentir en
présence du même troupeau qui faisait vomir les
gens nés sous le règne de Philippe AugUc
de Frédéric Barberousse et disséminés *='"
W^lMWi
LE SALUT PAR LES JUIFS 45
terre ou dans les sillons des cieux, depuis tant
d% générations qu'ils sont morts en se souvenant
de la mort du Christ.
J'entrevis l'énorme grandeur de ces temps
lointains où la militante Eglise qui avait dompté
l'univers et dont les pieds d'Immaculée Concep-
tion se posaient sur le cou des rois, broyait
pourtant sa puissance contre un peuple de ver-
misseaux qui lui résistait sans jamais mourir.
On eût pu dire, semble-t-il, que cet obstacle
impossible à vaincre l'avertissait, en pleine vic-
toire, de sa condition précaire d'épousée d'un
Dieu sanglant à qui tout avait résisté. . .
Devenue comme la mer, elle dut, en frémis-
sant, prendre pour elle-même la concise prohi-
bition du Seigneur : « Tu viendras jusqu'ici et tu
ne passeras pas plus avant, et c'est ici que tu
briseras l'enflure de tes ondes » (i).
Néanmoins, la guerre aux Juifs ne fut ja-
mais, dans l'Eglise, que l'effort mal récompensé
d'un grand zèle apostoHque et la Papauté les
abrita généreusement contre la fureur de tout un
monde.
(i) Job^ chap. 38, V. II.
46 LE SALUT PAR LES JUIFS
XVI
Exspectans exspectavi^ chantaient les chré-
tiens, attendant la Résurrection des morts.
— Exspectaveram et adhuc exspectabo ^
rectifiaient avec profondeur les gémissants
d'Israël. J'avais attendu et je veux attendre en-
core. Votre Messie n'est pas mon Messie et
quand même tous vos tombeaux s'ouvriraient,
j'attendrais toujours !
La patiente Eglise de Jésus considérait si-
lencieusement ces suspendus éternels, fortifiés
par un indicible espoir et dont nul sauveur n'au-
rait pu porter la pénitence épouvantable, — ce*
pendant que les basiliques et les monastères
carillonnaient à la gloire d^un Enfant Juif qui
était mort dans l^ignominie pour sauver les vap-a-
bonds.
Les sanglots ou les chants desclochc"
LE SALUT PAR LES JUIFS 47
■ i « I I II ■ I ■» — ■ " ■ ■ I ' 1 , I II I I . 11 I
tous les empires chrétiens frissonnaient d'amour,
frappaient en vain l'âme obstinée de ces orphe*
lins de Léviathan.
Créanciers d'une Promesse impérissable
que l'Eglise jugeait accomplie et forts d'un
Pacte sempiternel enregistré par l'Esprit Saint
jusqu^à trois cents fois, le Fils de Marie leur
paraissait à peine l'égal de ce roi lépreux qui ré-
gna sur Jérusalem, qui fut « plein de lèpre jus-
qu'au jour de sa mort » et le terrible habitant
d'une maison solitaire, pour son crime d'avoir
usurpé Tencensoir des fils du grand prêtre, (i)
Comme ils devaient mépriser les pompe»
douloureuses du Christianisme, ces guenilleux
indomptés qui pensèrent toujours que la Gloire
du Dieu d'Ezéchiel avait besoin de leur propre
gloire !
Ah ! TEglise avait beau leur dire : « Celui
qui a vendu son frère, un fils d'Israël, et qui en
a reçu le prix, doit subir la mort » (2), toute la
postérité de Jacob pouvait lui répondre :
— Si vous nous croyez semblables à Caïn
(i) Paralipomcnes^ liv. 2, chap. 26.
(2) Deutéronome^ chap. 24, v, 7.
48 LE SALUT PAR LES JUIFS
parce que nous sommes errants et fugitifs sur la
terre, souvenez-vous que le Seigneur a marqué
d'un Signe ce meurtrier, pour que ceux qui le
trouveraient ne le tuassent pas (i) et voyez,
après cela, combien sont dérisoires vos menaces
d'extermination .
Nous avons la parole d'honneur de Dieu
qui nous a juré son alliance éternelle et nous
refusons de le délier. Cette parole subsiste à
jamais et, quand elle s'^accomplira, vous devien-
drez notre esclave.
Si c'est son Fils que nous avon« crucifié,
qu'il se sauve donc lui-même, ce Sauveur des
autres, puisque nous avons promis de croire en
lui quand il descendra de sa Croix.
(i) Genèse j chap. 4, v. 15.
LE SALUT PAR LES JUIFS 49
XVII
Et la Mère des fidèles, glacée d^horreur,
continue, dans l'introublable sérénité de sa
Liturgie, les Lamentations sublimes :
« Comment est-elle accroupie dans la soli-
tude, la Cité pleine de peuple ? Elle est faite
comme une veuve, la Dominatrice des nations ;
la Princesse des provinces est devenue tribu-
taire.
« En larmoyant elle a pleuré dans la nuit et
ses larmes sont en ses joues ; il n'est aucun de
ses bien-aimés qui la console : tous ses amis
Font méprisée et lui sont devenus ennemis.
« Juda a changé de lieu à cause de l'afflic-
tion et du cumul de la servitude. Il a habité parmi
If^s gentils et n'a pas trouvé de repos ; tous ses
rsécuteurs Tont appréhendé dans les Heux
•oits .
50 LE SALUT. PAR LES JUIFS
« Les chemins de Sion pleurent parce qu'il
n'y a personne qui vienne à la Solennité : toutes
ses portes sont détruites, ses prêtres gémissants,
ses vierges sordides, elle-même oppressée
d'amertume.
« Les étrangers ont été mis à sa tête et ses
ennemis se sont enrichis, parce que le Seigneur
a parlé sur elle, à cause du grand nombre de ses
injustices. Ses tout petits ont été conduits en
captivité devant la face de celui qui leur fait tri-
bulation.
« — Jérusalem^ Jérusalem ^ reviens au Sei-
gneur ton Dieu !
« Et de la fille de Sion s^est évadé tout son
décor ; ses princes ont été faits comme des
béliers qui ne trouvent point de pacage et s^en
sont allés sans fojce devant la face de celui qui
les pourchassait,
« Jérusalem s'est souvenue du jour de son
affliction et de l'inconstance de toutes les choses
désirables qui étaient siennes, pour les avoir
eues dès les anciens jours, lorsque son peuple
tombait dans la main hostile et qu'il n'était
point d'auxiliateur. Les ennemis Tont vue et se
sont moqués de ses sabbats.
« Jérusalem a grièvement péché, c'est poi
LE SALUT PAR LES JUIFS 51
■■ Illl II »■■ ■■>■ lll»!»^— ^IMII I I ' Il 1^ >l|l»l ..■,111.1 ■■■■ I .11
quoi elle a été faite instable. Tous ceux qui la
glorifiaient Pont méprisée, parce qu^ils ont vu
son ignominie; elle-même en gémissant est
retournée en arrière.
« Ses ordures sont sur ses pieds et elle n^a
pas eu souvenance de sa fin. Elle est mise en bas
effroyablement, n'ayant point de consolateur.
Vois, Seigneur, mon affliction, puisque l'ennemi
s'est dressé.
« — Jérusalenty JérusaletHy retourne-toi
vers ton Seigneur Dieu !
« L'adversaire a mis sa main sur toutes les
choses désirables qu'elle possédait ; car elle a
vu les nations qui étaient entrées dans son sanc-
tuaire, desquelles tu avais commandé qu'elles
n'entrassent en ton église.
« Tout son peuple est gémissant et cher-
chant le pain ; ils ont donné toutes les choses pré-
cieuses pour avoir de quoi manger à la réfection
deleur âme. Vois, Seigneur, et considère que je
suis devenue très vile.
« O vous tous qui passez par le chemin,
soyez attentifs et voyez s'il est une douleur
comme ma douleur ; car le Seigneur m'a ven-
dangée, ainsi qu'il l'a dit au jour du déchaîne-
ment de sa fureur.
52 LE SALUT PAR LES JUIFS
« Il a envoyé le feu d^en haut dans mes os
et il m'a ouvert Tentendement. lia étendu le filet
devant mes pieds, il m'a forcée de retourner en
arrière ; il m'a laissée désolée, tout le jour broyée
de tristesse.
« Le joug de mes iniquités a veillé dans sa
main : elles ont été enroulées et posées à mon
cou ; ma vigueur est extrêmement affaiblie et le
Seigneur m'a abandonnée à une puissance dont
je ne pourrai me délivrer (i).
« — Jérusalem^ Jérusaletriy amende4oi
pour Pamour de ton pauvre Dieu qui f im-
plore ! »
(i) Office de Ténèbres j Nocturnes du Jeudi Saint.
LE SALUT PAR LES JUIFS 53
XVIII
« Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du
monde », écrivait Pascal, — le plus déplorable,
je crois, d'entre les grands hommes qui se sont
beaucoup trompés.
Pensée d'une haute beauté triste que le jan-
séniste farouche, assurément, n'eût pas expli-
quée, et qui ne pouvait être, à ses propres yeux,
qu'une hyperbole de piété.
Il serait peu facile, toutefois, d'exprimer à
quel point cette combinaison de syllabes a le
pouvoir d'obséder un cœur profond qui la sup-
poserait plus qu'humaine. . .
A force d'aimer, le Moyen Age avait com-
pris que Jésus est toujours crucifié, toujours
saignant, toujours expirant, bafoué par la popu-
lace et maudit par Dieu lui-même^ conformé-
ment au texte précis de l'ancienne Loi : « Celui
< — \
t
54 LE SALUT PAR LES JUIFS
qui pend au bois est maudit de Dieu » (i). Com-
ment aurait-il pu ne pas abhorrer les Juifs ?
La Passion était pour lui si contemporaine,
si flagrante, le Sang du Christ si tiède encore,
si vermeil, et ses oreilles bourdonnaient si fort
de la Clameur exécrable !
Ce peuple démoniaque ne hurlait-il pas,
s'adressant au Lâche condamné à laver éternel-
lement ses mains homicides : « Que son sang
soit sur nous et sur nos enfants » ? Il fallait bien
le satisfaire, en accomplissant, par la vilipendai-
son à jamais d'un peuple entier, le pénal verset
de ce Testament Nouveau, prophétique autant
que TAncien dont il fut dit qu'un iota ou un point
ne passera pas aussi longtemps que subsisteront
le ciel et la terre.
Les souffrances de Jésus furent le pain et le
vin du Moyen Age, son école primaire et le
pinacle sourcilleux de sa clergie. Elles furent sa
demeure, son foyer plein de brandons et d'étin-
celles, son lit pour naître et pour mourir et,
quelquefois, le paradis de ses Saints qui n'imagi-
naient pas mieux que de pleurer avec la Mère
aux Sept Glaives et le bon Larron, pendant des
éternités»
(i) Deutéronome^ chap. 21^ v. 23.
LE SALUT PAR LES JUIFS 65 .
f
Elles furent et devaient être, en effet, la
grande émotion, le poème toujours nouveau, la
rédivive péripétie d'un drame toujours angois-
sant^ pour une société naïve où les facultés
d'enthousiasme et de dilection flamboyèrent
avec une magnificence que les fournaises du
Paraclet ne rallumeront peut-être jamais.
La Pauvreté du Seigneur était sentie mer-
veilleusement par ces tendres foules, et la com-
passion pour un Dieu si lamentable faisait quel-
quefois mourir d'autres pauvres qui prenaient
volontiers, par-dessus leurs propres misères,
tout ce qu'ils pouvaient porter de son fardeau.
Pour mieux souffrir avec lui, ils se serraient
contre la Vierge navrée, qui tient sur ses
genoux, — comme sur une croix nouvelle, (i)
— son grand Fils mort et arrache de sa Tête,
avec des tenailles précieuses, les dures épines
qu'on y enfonça.
« — Vous êtes douloureuse et lacrymable,
Notre Dame Vierge Marie, disaient-ils; à qui
Vous comparer ou Vous égaler? Votre contri-
tion est comme la mer. Faites-moi pleurer avec
Vous, faites-moi porter la mort du Christ^
■• • ■ - ■ — — = — = — —
(i) 5. Brigitte^ liv. \, chap. lo.
N
56 LE SALUT PAR LES JUIFS
faites-moi le convive de sa Passion et le miroir
de ses Plaies (i). »
Elle seule pouvait leur conter la peine infi-
nie du Dieu Sans-avoir qu^elle avait mis hum-
blement au monde chez des animaux et qui ne
s'était jamais reposé d'avoir du chagrin et de
festoyer la tribulation.
XIX
Et l'immense regard désolé dont l'Etoile
du matin noyait tous ces compatissants avec
Elle, était pour eux une réponse de la suavité
la plus déchirante :
« — Les méchants Juifs — croyaient-
(i) Office des Sept Douleurs.
LE SALUT PAR LES JUIFS 57
ils entendre, — ont accusé mon Enfant divin
d'être un homme gourmand et buveur (i), et
c'est bien vrai, je vous assure, que, même en sa
Croix, il a gémi pour qu'on lui donnât à boire.
« Dites-vous bien qu'à ce moment, il voyait
MES Larmes !
« Ces larmes étroitement apparentées à
son Humanité sainte et armées alors contre lui
de la toute-puissance d^impétration pour un uni-
vers frappé de folie, s'élevèrent comme un
grand nombre de vagues autour de sa Croix
solitaire...
« Avant que tout fût consommé, quand
toutes les prophéties anciennes avaient achevé
d'engendrer leurs effroyables accomplisse-
ments, — lorsqu'après quatre fois mille ans
d'humiliation, la Femme est enfin debout^ devant
l'Arbre de vie, les pieds sur la tête du Serpent et
le front dans les douze étoiles, — toute la des-
cendance misérable du premier Désobéissant,
magnifiée par ma Compassion, apparut dans la
splendeur de mes larmes.
« Le Calice d'amertume infinie que Jésus
(i) Ecce homo vorax et potator vini. — S. MathieU)
ch. II, V. 19.
6
-^J
58 LE SALUT PAR LES JUIFS
priait son Père d'écarter de, lui, sous les oliviers,
et qui épouvantait son Ame sacrée jusqu'à la
Sueur de sang et jusqu^à TAgonie, il fallait
maintenant le boire de la main de Celle qu'il
avait choisie dès le commencement pour être le
ministre sans tache de la plus cruelle partie de
son Supplice.
« Tuisqu'il s'était plaint d'avoir soif, il fal-
lait bien qu'il le vidât jusqu'à la dernière goutte,
et il ne devait lui être permis d'expirer que lors-
que toutes les larmes des générations seraient
sorties de ce véritable Calice de son Agonie qui
était Mon Cœur !
« L'Ange qui l'avait assisté la veille s'était
enfui vers le ciel, son Père venait de l'aban-
donner, la sentence rigoureuse : « Malheur à
celui qui est seul », se réalisait en lui d'une
manière iniSnie et sans exemple.
« Sa Mère elle-même lui était devenue
comme une étrangère, depuis qu'il s'en était
dépouillé pour son disciple, avant de demander
à boire.
« Il était désormais seul à seule et face à
face avec Judith, comme un Holopherne cloué
dans le lit de sa perdition (i).
(i) OJjfîce des Sept Douleurs.
LE SALUT PAR LES JUIFS 59
« Le soleil déjà s'obscurcissait pour échap-
per à l'horreur de cette confrontation silencieuse
et les morts commençaient à se démener dans
leurs sépultures... ^
« -^ Buvez, mon Fils, — disaient les voix
désolées de mon abîme, — ^ buvez ces larmes de
tristesse et ces larmes de colère.. Le fiel n'avait
pas assez d'amertume et le vinaigre n'avait pas
assez d'acidité pour éteindre une soif pareille à
la vôtre.
« Buvez ces larmes d'orphelins, de veuves
et d'exilés ;
« Buvez ces larmes d'adultères, de parrici-
des et de désespérés ;
« Buvez encore ceci qui est l'océan des
larmes de l'Avarice, de la Concupiscence char-
nelle et de l'Orgueil ;
« Buvez enfin ces larmes d^ argent qui
seront désormais l'unique patrimoine en Israël,
et qu'un jour la dérision sacrilège des faux
chrétiens répandra sur le catafalque vermicu-
leux de la vanité des morts.
« Tout cela, c'est ce que le Peuple de Dieu
^ gardé pour le rafraîchissement de votre
conde Agonie, et c'est par moi qu'il vous
^re, parce que c'est moi que vous désignâtes
60 LE SALUT PAR LES JUIFS
cruellement pour vous en abreuver avant votre
dernier souffle.
« Vous avez dit que « ceux qui pleurent
sont bien heureux » , et c'est parce que je pleure
les larmes de toutes les générations que « toutes
les générations m'appelleront Bienheureuse ».
« Je n'avais parlé que six fois dans TEvan-
gile. Telle fut ma Septième Parole, inentendue
de l'Evangéliste à ma droite et de Madeleine à
ma gauche, mais à laquelle répondit le cri puis-
sant du Consummatum .
« Jésus baissa sa Tête effrayante pour que
là Mort pût s'approcher. . .
« Et le Voile du Temple fut déchiré du haut
en bas, comme la robe de Caïphe ou le ventre
du Proditeur, — pour exprimer que les Juifs
cruels n'auraient plus que des tabernacles
déserts. »
>'
LE SALUT PAR LES JUIFS 61
XX
Les désolations et les terreurs de l'Evangile
étaient ambiantes à tel point pour ces bonnes
gens d'autrefois, que leur aversion à l'égard des
Juifs empruntait à la nature même de leur sensi-
bilité quelque chose de prophétique.
Non seulement les Juifs avaient crucifié
Jésus; que dis-je? non seulement ils le cruci-
fiaient actuellement devant eux^ mais encore ils
refusaient de le faire descendre de sa Croix en
croyant en lui.
Car tous les mots du Texte sont vivants.
Pour ces âmes profondes et amoureuses, il
ne pouvait être question de rhétorique ou de
vaine littérature, quand il s^agissait de la Parole
de Dieu.
Les faiseurs de livres, qui ont tout dilapidé,
dormaient encore dans les limbes des maternités
62 LE SALUT PAR LES JUIFS
futures, et l'horreur eût été grande, si quelqu'un
s^était avisé de supposer que l'Esprit Saint avait
pu raconter une anecdote ou relater un incident
accessoire, élagable sans inconvénient.
On ne trouvait pas, dans le Livre, une syl-
labe qui ne se rapportât, en même temps, au
passé et à l'avenir, au Créateur et aux créatures,
à l'abîme d'en haut et à Tabîme d'en bas, —
enveloppant tous les mondes à la fois d'un
unique éclair, comme le tournoyant esprit de
l'Ecclésiaste qui « passe en considérant les
univers in drcuitUy et qui revient en ses propres
cercles ».
Ce fut d'ailleurs, à toute époque, l'infail-
lible pensée de l'Eglise qui retranche d'elle,
ainsi qu'un membre pourri, quiconque touche à
cette Arche sainte remplie de tonnerres : la
Révélation par les Ecritures, — éternellement
actuelle au sens historique et universelhy abso-
lument, au sens des symboles.
En d'autres termes, la Parole divine est
infinie, absolue, irrévocable de toute manière,
itérative surtout, prodigieusement, car Dieu ne
peut parler que de Lui-même.
Ces âmes simples étaient donc « raisonna-
blement » persuadées que la Raillerie juive, con-
^
LE SALUT PAR LES JUIFS 63
signée par les deux premiers évangélistes, n^est
rien moins qu'une échéance prophétique de
Thistoire de Dieu racontée par Dieu, et leur ins-
tinct les avertissait que le « Règne terrestre » du
Crucifié et la fin glorieuse de son permanent
Supplice dépendaient, en quelque inexprimable
façon, de la bonne volonté de ces infidèles.
XXI
Or, leur volonté, précisément, était infer-
ile. Ces maudits se savaient puissants et leur
testable joie consistait à retarder indéfiniment
64 LE SALUT PAR LES JUIFS
ce Règne glorieux attendu par les captifs, en
éternisant la Victime .
Le Salut de tous les peuples était, par leur
malice, diaboliquement "^ suspendu^ — au sens
figuré comme au sens propre, — et celui des
Apôtres qui avait été pharisien et qui compre-
nait sans doute ces choses mieux que personne,
s^était vu forcé d^avouer qu'on n'était sauvé
qu' « en espérance », rien qu'en espérance, et
qu'il fallait encore attendre la Rédemption, en
exhalant, avec le dolent Esprit du Seigneur, des
« gémissements inénarrables (i) ».
Le refus de ces canailles immobilisait
effroyablement, par minutes et par secondes, les
plus rapides épisodes et toutes les péripéties de
la Passion.
Le fétide Judas baisait toujours son Maître
au Jardin et le déplorable fils de la Colombe y
Simon-Pierre, ne s'arrêtait plus de le renier en
« se chauffant » au Vestibule.
Crachats, Soufflets, Meurtrissures pou-
vaient sans interruption ni merci, en même
temps que le vacarme des Injures et le fracas
surnaturel des Cinq mille Coups de lanières
(i) 5. Paul aux Romains, chap. 8.
LE SALUT PAR LES JUIFS 65
plombées mentionnés par la tradition, retentis-
saient plus horriblement que jamais, grossis et
multipliés par tous les échos de la Douleur de
la terre, comme le carillon des ouragans.
Sous le haut portique d'une colossale
demeure d^où semblaient sortir les ténèbres, le
morose Pilate se lavait les mains depuis mille
ans et songeait sans doute à se les laver mille
ans encore, pour savoir s'il n^obtiendrait pas de
quelque océan ce qu^il avait inutilement espéré
de tous les fleuves.
Et devant ce juge oblique, l'impardonnable
Couronne, l'authentique « Buisson de feu » qui
coiffait le Fils de la Vierge, enfonçait toujours
ses pointes atroces dans le Chef divin du Sup-
plicié que le travail des flagellateurs avait fait
brûlant comme un tison.
L'énorme cri des tueurs de Dieu grondait
plus fort que le rugissement obstiné d^une cata-
racte, aggravé par la voix plaintive des agneaux
destinés à Timmolation pascale, qu^on entendait
à chaque instant du côté de la Piscine proba-
tique...
Et cette Croix de démence, le clouement
et le déclouementdu Christ, ses langueurs inex-
primables et les Sept Paroles qu'il prononça, la
66 LE SALUT PAR LES JUIFS
Station de la Mère et cette Mort d^entre les morts
qui épouvanta le soleil pendant trois heures ;
tous les détails enfin de cette ribote scandaleuse
de tortures dont Iç seul pressentiment consume
les extatiques, étaient impitoyablement distincts
et discernables, fixés à jamais dans le temps et
dans l'espace, ankylosés par un infrangible vou-
loir.
« Descendat nunc de cruce... Qu^il des-
cende maintenant de sa croix et nous croirons
en lui. Destructeur du temple de Dieu, sauve-toi
toi-même. » Il n'y avait pas à sortir de cet
ultimat. Rien ne finissait parce que rien ne pou-
vait finir et que les choses finissantes renais-
saient aussitôt partout.
On saignait avec Jésus, on était criblé de
ses plaies, on agonisait de sa soif, on était souf-
fleté à tour de bras, en même temps que Sa Ma-
jesté sacrée, par toute la racaille de Jérusalem,
et les enfants même qui n'étaient pas nés tres-
saillaient d'horreur dans le ventre de leurs mères,
quand on entendait le Marteau du Vendredi
Saint.
Les laboureurs sanglotants allumaient alors
de pauvres flambeaux dans les sillons de la terre,
pour que cette nourrice des malheureux ne fût
I
l •
LE SALUT PAR LES JUIFS 67
pas infécondée par l'inondation des ténèbres qui
s'épandaient du haut du Calvaire, ainsi qu'un
interminable panache noir, au moment du Der-
nier Soupir.
C'était, en ce jour, le grand Interdit de la
compassion et du tremblement. Les oiseaux mi-
grateurs et les fauves habitants des bois s'éton-
naient de voir les hommes si tristes, et les ani-
maux sans colère suaient d'angoisse au fond des
étables en entendant pleurer leurs pasteurs.
Les chrétiens à l'image d'un Dieu Très
Haut descendu si bas se reprochaient avec
amertume de l'avoir fait à leur ressemblance et
craignaient de regarder le plafond des cieux...
Depuis les Matines du Jeudi absolu jusqu^à
rimmense alléluia de la Résurrection, le monde
était livide et silencieux, artères liées, forces
percluses, « chef languide et cœur dolent ».
Arbitraire absolu de la Pénitence. Une seule
porte lugubre environnée de pâles monstres ac-
cusateurs était entr 'ouverte pour aller à Dieu.
Les vitraux éclatants s'éteignaient. Les bonnes
cloches ne tintaient plus. C'était à peine si on
avait l'audace de naître et on n'ofeait presque
j^x,^s mourir.
Vainement on s'efforçait de^ consoler la
68 LE SALUT PAR LES JUIFS
Vierge aux Epées dont les yeux brûlés de larmes
ressemblaient à deux soleils morts. Cette Face
maternelle, qui paraissait exiler tout réconfort,
était devenue un volcan d'effroi et jetait par
terre les multitudes...
« Qu'il descende ! » hurlaient toujours les
chacals de la Synagogue. — Pourquoi donc,
ô Israël.'^ Est-ce pour le dévorer, ce nouveau
Joseph engendré dans ta vieillesse, à qui tu as
fait une si belle robe de pourpre (i) et que voici
dans les bras en croix de cette Rachel immobile
qu'on ne peut pas consoler ?
(i) Genèse, chap. 37, v. 3.
LE SALUT PAR LES JUIFS 69
XXII
« Prions pour les perfides Juifs, pour que
le Seigneur Notre Dieu enlève le voile de leurs
cœurs et qu'ils reconnaissent, eux aussi, Notre
Seigneur Jésus-Christ. Sempiternel Dieu Tout
Puissant, qui ne rejetez de votre miséricorde
pas niême la perficjie Juive, exaucez les prières
que nous déférons à vous, à cause de l'aveugle-
ment de ce peuple, pour qu'ayant connu la
la lumière de votre vérité qui est le Christ, il soit
arraché de ses ténèbres. »
Telles étaient et telles seront jusqu'à la fin
les prières de TEglise pour Tétonnante postérité
d^ Abraham. Prières absolument solennelles qui
ne sont récitées publiquement, que le seul jour
dn Vendredi Saint.
En ce moment-là, sans doute, les coeurs
d'autrefois s'arrêtaient de battre et le silence
70 LE SALUT PAR LES JUIFS
des colères était prodigieux, dans Tespoir uni-
versel d'entendre venir des lieux souterrains le
préliminaire soupir de la conversion du Peuple
obstiné.
On sentait confusément que ces hommes
de crasse et d'ignominie étaient, quand même,
les geôliers de la Rédemption, que Jésus était
leur captif, que l'Eglise était leur captive, que
leur consentement était nécessaire à la diffusion
des allégresses et que c^était pour cela qu'un
miracle persistant gardait leur progéniture.
En accomplissement de la plus impénétra-
ble des lois, ils étaient puissamment ancrés dans
leur volonté mauvaise d'assoupir la Force de
Dieu et d'ajourner implacablement sa Gloire,
pour qu'en effet Tune et l'autre parussent
oisives en présence des désespoirs de l'huma-
nité, -^ jusqu'à l'heure admirablement occulte
où la Propitiation douloureuse du Verbe fait
Chair serait consommée dans tous ses membres.
Et cette heure furtive, Jésus lui-même avait
déclaré ne la point connaître, affirmant que
«nul, excepté le Père, ne la connaissait!... » (i)
Mais où le mystère devenait intolérable
(i) MarCj chap. 13, v. 32.
LE SALUT PAR LES JUIFS 71
complètement, c'était à l'idée que ce moment
unique, désiré faméliquement depuis tous les
âges par l'universalité des créatures, dépen-
dait encore et toujours de ces mêmes Juifs,
créanciers inexorables de l'Esprit Saint, qui
mettaient opposition sur le Sang du Christ.
Les siècles avaient coulé comme de Teau
et les générations vivantes s'étaient empilées
sur les générations mortes. On avait beau pro-
duire des titres ou des cédules paraphés de ce
précieux Sang et contresignés du sang de tous
les Martyrs ; on ne rencontrait jamais que
l'odieux visage de ces usuriers du Consolateur
et la magnificence de Dieu restait close,
C^est en ce sens que les Juifs, si durement
opprimés par les adorateurs de la Croix, fai-
saient couler en revanche tant de pleurs chré-
tiens derrière eux, et de si terribles pleurs qu'on
aurait pu croire vraiment que la Mer Rouge
s'était élancée à leur poursuite... et c'est pour-
quoi l'Eglise avait le courage de prier pour eux
d'un cœur déchiré.
72 LE SALUT PAR LES JUIFS
XXIII
Les Juifs ne se convertiront que lorsque
Jésus sera descendu de sa Croix, et précisé-
ment Jésus ne peut en descendre que lorsque
les Juifs se seront convertis.
Tel est rimpossible dilemme où le Moyen
Age se tordit comme dans les branches d'un
étau. Aussi ne s'interrompait-il de maudire ou
de massacrer ces antagonistes abominables que
pour se traîner à leurs pieds, en les suppliant,
avec des sanglots, d'avoir pitié du Dieu pâtis-
sant.
Il n^existe pas de poème qui puisse être
comparé à cet agenouillement insensé de toutes
les nations devant un troupeau de brutes fan-
geuses, pour les imiplorer au Nom de la Sagesse
éternelle en agonie :
« Quidfed tibi, aut in quo contristavi te ?
LE SALUT PAR LES JUIFS 73
— O mon peuple ! que t'ai-je fait et en
quoi t''ai-je contristé? Réponds-moi.
« Parce que je t'ai mené hors de la terre
d'Egypte, tu as préparé une croix à ton Sau-
veur...
« Parce que je t'ai guidé quarante ans
dans le désert et que je t'ai nourri de manne, et
que je t'^ai introduit dans une terre très bonne,
tu as préparé une Croix à ton Sauveur. . .
« Qu'ai-je dû faire en outre pour toi que je
n'aie point fait? Je t'ai planté comme ma vigne
magnifique, devenue pour moi très amère, car
tu as abreuvé ma soif de vinaigre et tu as percé
d'une lance le côté de ton Sauveur. . .
« A cause de toi, j'ai flagellé l'Egypte et
ses. premiers nés, et tu m'as livré pour être
fouetté...
« J'ai marché devant toi dans la colonne
de nues, et tu m'as conduit au prétoire de
Pilate . . .
« Je t'ai repu de manne dans le désert, et
tu m'as donné des soufflets et des coups de
verges...
« A cause de toi, j'ai frappé les rois des
jhananéens, et tu as frappé mon chef d'un
)seau...
6
â
74 LE SALUT PAR LES JUIFS
« Je t'ai donné le sceptre royal, et tu as
donné à ma tête une couronne d'épines...
« Que t'ai-je donc fait ? ô mon peuple ! . . .
Je t'ai exalté en grar^de force, et tu m'as sus-
pendu à la Croix patibulaire... » (i)
Imploration vaine et refus insultant tou-
jours identique. « Il a mis sa confiance en Dieu.
Que Dieu le délivre donc maintenant, s'il tient à
lui, puisque ce sauveur des autres a prétendu
qu'il était son Fils ! » La menace de l'écroule-
ment des cieux n'aurait pu leur arracher une
autre réponse.
'^rfhi
(i) Office du Vendredi Saint Adoration de la Croix.
LE SALUT PAR LES JUIFS 75
XXIV
La Race anathème fut donc toujours, pour
les chrétiens, à la fois un objet d'horreur et l'oc-
casion d'une crainte mystérieuse.
Sans doute, on était le troupeau soumis de
la douce et puissante Eghse, infaillible et indé-
fectible, au sein de laquelle on. était assuré de
ne pas périr; mais on savait bien aussi que le
Seigneur n^avait pas tout dit, que sa révélation
parabohque ou similitudinaire n'était pénétrable
qu'à une faible profondeur...
On sentait là quelque chose qui n'était pas
expliqué, que l'Eglise elle-même ne connaissait
pas tout à fait et qui pouvait être infiniment
redoutable.
Autrement, pourquoi ces fureurs, ces sup-
plications?
Si on avait la force ou l'audace de s'aven*
f
76 > LE SALUT PAR LES JUIFS
turer jusqu'au bord du gouffre, de se pencher
sur TefFrayant entonnoir des arcanes indévoilés,
c'était. à mourir par le vertige de songer seule-
ment qu^Israël, si « fort contre Dieu » et qui
méprisait tant les leçons du Christ, était, néan-
moins, Vuniguey peut-être, ayant eu véritable-
ment le droit et la confondante prérogative
d'exhaler, — à partir du cinquième millénaire
de la Catastrophe primordiale, — la cinquième
revendication du Pater noster : « Remets-nous
nos dettes, comme nous remettons à nos débi-
teurs ».
Quelles dettes ? Quels débiteurs ?
Puisque les fils de Jacob ont le pauvre
pour créancier, — le Pauvre qui est Fils de
Dieu, — ne faut-il pas qu'ils soient à leur tour,
en un sens plus mystérieux, les créanciers de ce
prodigue Esprit Saint dont Jésus aurait, par sa
mort, laissé protester les Ecritures ?. . .
Et cette mort elle-même, qui fut leur
ouvrage, ne serait-elle pas alors, et par consé-
quent, la canaillerie profonde et parfaite, la
scélératesse en abîme que la précision litur-
gique a désignée sous le nom très particuli^''
de « perfidie juive » ?
Ne s'agissait-il pas, en eiïet, — pour n(
LE SALUT PAR LES JUIFS 77
pas sortir des comparaisons abjectes qui con-
viennent si parfaitement au Dieu de Tabjecte
humanité, — de faire des frais au Consolateur
pour le contraindre à payer avec une extrême
usure, fût-ce dans vingt siècles, aux dépens du
douloureux Christ qui continuerait à saigner et
à mourir sur le bois d'opprobre, en attendant
que les exacteurs cruels s'estimassent désinté-
ressés ?
Car le Salut n'est pas une plaisanterie de
sacristains polonais, et quand on dit qu'il a coûté
le sang d'un Dieu incarné dans de la chair juive,
cela veut dire qu'il a tout coûté depuis les temps
et depuis les éternités.
Qu'on se souvienne de ce Père qui attend
toujours, lui aussi, et qui attend bien mieux que
personne, puisqu'il est seul à savoir la Fin.
L'histoire de l'Enfant prodigue est une para-
bole si lumineuse de son éternelle anxiété béati-
fique dans le fond des cieux, qu'elle en est
devenue banale et que nul n'y comprend plus
rien.
Allez donc dire aux catholiques modernes
que le Père dont il est parlé dans le récit de
Saint Luc, lequel partage la substance entre
ses deux fils, est Jéhovah lui-même, s'il est
78 LE SALUT PAR LES JUIFS
■ I I I I ■ -!■ I ' ■ ■ I II ■ ^^mm^mmm>^^
permis de le nommer par son Nom terrible ; que
le fils aîné demeuré sage, et qui « est toujours
avec lui », symbolise, à n'en pas douter, son
Verbe Jésus, patient et fidèle; enfin que le fils
plus jeune, celui qui a voyagé dans une « région
lointaine où il dévora sa substance avec des
prostituées », jusqu'au point d'être réduit à
garder les porcs et à « désirer d'emplir son ,
ventre des siliques mangées par ces animaux » >
signifie, très assurément, l'Amour Créateur
dont le souffle est vagabond et dont la fonction
divine paraît être, en vérité, depuis six mille ans,
de nourrir les cochons chrétiens après avoir
pâturé les pourceaux de la Synagogue !
Ajoutez, si cela vous amuse, que le Veau
gras « qu^on tue, qu'on mange et dont on se
régale », pour fêter la résipiscence du libertin,
est encore ce même Christ Jésus dont l'immola-
tion chez les « mercenaires » est inséparable
toujours de Tidée d'aff'ranchissement et de
pardon.
Essayez un peu de faire pénétrer ces simi-
litudes grandioses, familières tout au plus à
quelques lépreux, dans la pulpe onctueuse et
cataplasmatique de nos dévots accoutumés dès
Fenfance à ne voir en l'Evangile qu'un édifiant
^
)
LE SALUT PAR LES JUIFS 79
traité de morale, — et vous entendrez de jolies
clameurs !
XXV
Je n'ai certes pas lieu de supposer que les
chrétiens du Moyen Age possédaient, en géné-
ral, de si transcendantes aperceptions sur Dieu
et sur Sa Parole. Mais n'ayant pas vu le dix-sep-
tième siècle ni la Compagnie de Jésus, ils étaient
simples et lorsqu'ils n^ croyaient pas d'une
âme amoureuse, ils croyaient tout de même
d'un cœur tremblant, comme il est écrit des
démons (i), — et c'était assez pour qu'ils devi-
(i) St Jacques^ chap. 2, v. 19.
80. ' LE SALUT PAR LES JUIFS
nassent au moins quelque chose, pour que leurs
craintes ou leurs espoirs allassent plus loin que
les horizons de cheptel entrevus par les somno-
lents bestiaux de la piété contemporaine.
« Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée » ,
entendit un jour la visionnaire sublime de Fo-
ligno. Ce naïf mot raconte l'histoire de plusieurs
centaines de miUions de cœurs.
La religion n'était pas risible alors et la Vie
divine aperçue partout était, pour ces simples
gens, la chose du monde la plus sérieuse, la plus
péremptoire.
Il est parlé dans l'Evangile d'un certain
Simon de Cyrène que les Juifs contraignirent à
porter la croix avec Jésus qui succombait sous le
fardeau. La tradition nous apprend que c^était
un homme pauvre et pitoyable qui voulut,
aussitôt après, devenir chrétien pour avoir le
droit de pleurer sur lui-même en se souvenant
de la Victime dont il avait eu la gloire de par-
tager l'ignominie.
Ne vous semble-t-il pas, comme à moi,
qu'un tel adjoint du Rédempteur mortifié est
une évidente préfiguration de ce Moyen Age
plein de potences et de basiliques (i), plein d^
(i) Paul Verlaine.
LE SALUT PAR LES JUIFS 81
ténèbres et d'épées sanglantes, plein de san-
glots et de prières qui, durant l'espace de mille
années, mit sur ses épaules tout ce qu'il put de
rimmense Croix, — cheminant ainsi dans les
vallons noirs et sur les collines douloureuses,
élevant ses fils pour la même angoisse, et ne se
couchant sous la terre que lorsqu'ils avaient
assez grandi pour substituer aisément leur com-
patissance à la sienne ?
Prodigieuse, inlassable résignation !
■ 1
%
Point de pain quelquefois, et jamais de repos ;
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier et la corvée
Lui font d'un malheureux ta peinture achevée.
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.
— C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Ah ! La Fontaine s'est trompé. Ce n'était
pas Mn fagot que les bûcherons priaient la Mort
de les aider à remettre sur leurs épaules.
C'était le Bois du Salut du monde, r« Es-
pérance unique » du genre humain que les Juifs
les forçaient impitoyablement à porter.
82 LE SALUT PAR LES JUIFS
>^irfH
Il ne disaient jamais non, bien qu'ils fussent
exterminés de fatigues, enveloppés dans un per-
perpétuel brouillard de misères, et si, parfois,
ils se ruaient contre les perfides, c'était, comme
je Pai dit, parce que ceux-ci refusaient de
mettre fin aux langueurs du Christ ; — senti-
ment d'une tendresse ineffable que personne
jamais ne comprendra plus !
LE SALUT PAR LES JUIFS 83
XXVI
Il est .vrai que les Circoncis eux-mêmes
sont condamnés à porter la Croix depuis dix-
neuf siècles, mais d'une toute autre manière.
J'ai dit plus haut que les Juifs du Moyen
Age, traqués à la fois par toutes les meutes de
l'indignation ou de la générosité chrétiennes,
avaient encore la ressource de leur opposer,
en écumant, le Signe terrifique déterré dans les
ossements du premier Caïn, en vertu duquel
nul ne pouvait les exterminer par le glaive de la
Colère ou le glaive de la Douceur, sans être
puni sept fois, c'est-à-dire sans s'exposer aux
représailles infinies du Septénaire omnipotent
que les chrétiens nomment le Saint-Esprit.
Or, le signe dont fut marqué le Patriarche
des tueurs et que Moïse n'a pas eu la permission
de révéler pouvait être fort bien le Signe même
84 LE SALUT PAR LES JUIFS
de la Croix ^ si on tient pour règle certaine l'ins-
piration perpétuellement réitérative des Textes
sacrés.
Cette histoire merveilleuse de Gain où les
moralisants excogitateurs d'exégèse n'ont abso-
lument rien vu, sinon qu'il est mal d'égorger
son frère, donne en quelques versets d'une con-
cision effrayante l'itinéraire complet de la Vo-
lonté divine, explicitement déclarée dans les
soixante-douze livres surnaturels dont l'en-
semble constitue la Révélation.
. Il n'existe pas dans TEcriture un raccourci
plus prodigieux. C'est au point que les noms
d^Abel et de Caïn, affrontés ensemble, forment
une espèce de monogramnie symbolique ^ du
Rédempteur.
Agnus Bajulans Ego Lignum^
Crucis Amanter Infamiam NobilHavi^
XL tc , exc .
On pourrait multiplier à l'infini ce jeu d'ini-
tiales qui faisait l'amusement des écolâtres
anciens.
Mais il s'agit là d'un point central, de Taxe
même des paraboles à venir, de l'essieu des
Roues d^Ezéchiel, et si on veut parler sérieus
ment de ces deux premiers fils d'Adam qui se
LE SALUT PAR LES JUIFS 86
à l'aube des antagonismes humains, toutes
les idées essentielles vont se précipiter en
poussant des cris...
Qu'il suffise d^observer que le Seigneur, ne
pouvant parler que de Lui-même y est néces-
sairement représenté du même coup par Tun et
par l'autre, par le meurtrier aussi bien que par la
victime, par celle-ci qui est sans gardien et par
celui-là qui n'est le « gardien » de personne.
L^innocent Abel « pasteur de brebis », tué
par son frère, est une évidente figure de Jésus-
Christ ; et le fratricide Caïn, maudit de Dieu,
errant et fugitif sur la terre, en est une autre non
moins certaine, — puisqu^ayant tout assumé, le
Sauveur du monde est, à la fois, l'Innocence
même et le Péché même, suivant l'expression
de Saint Paul (i).
L'aventure du Prodigue rappelée tout à
l'heure, n'est, au fond, qu'une des innombrables
versions de cette première aventure de l'huma-
nité .
Il est vrai que le compagnon des pourceaux
n'a pas tué son frère, mais celui-ci est néanmoins
immolé sous les espèces du Veau gras, et le
(i) //® aux Corinthiens^ chap. S, v. 21.
86 LE SALUT PAR LES JUIFS
bienvenu porcher reçoit, — lui aussi, — de la
main du Père et Seigneur, quelques 5z^w^5 mys-
térieux d'une fort étrange sollicitude...
Dans rimmense forêt pénombrale des Assi-
milations scripturaires, c'est bien toujours la
même histoire et la trame infiniment compliquée
du même secret.
Sous rimpulsion de ces insolites pensées,
dire que les Juifs sont marqués de la Croix tout
autant que les chrétiens et tout autant que put
l'être le Fratricide, c'est risquer au plus une
Lapalissade, — scandaleuse, j'en conviens,
comme toutes les Lapalissades.
Ne voit-on pas, en effet, que c'est en accom-
plissant ce qui pouvait être imaginé de plus iden-
tique à la boucherie du vieux Caïn, qu'ils déter-
minèrent le Christianisme, aussi impossible sans
eux que le « Cri du Sang d'Abel » sans le pre-
mier meurtre ? — et, de même que les chrétiens
portent la Croix en saillie sur leurs poitrines ou
sur les frontons de leurs tabernacles, ils la por-
tent en creux dans leurs âmes dévastées ou dans
les cavernes périlleuses de leurs synagogues.
Quoi qu'ils disent et quoi qu'ils fassent, ils
ne peuvent pas n'être pas l'intaille du Sceau d
la Rédemption»
1^
LE SALUT PAR LES JUIFS 87
y—
Et c'est pourquoi leur dégoûtant aspect est
encore plus démonstrateur que celui des meilleurs
chrétiens qui peuvent si facilement altérer, —
par leur propre volonté, — le relief de l'Effigie
salutaire.
, Cette empreinte béante, élargie comme le
précipice du Chaos, par Foecuménique dilatation
du Catholicisme, ils ont essayé de la combler en
la remplissant d^'argent, et ils n'ont réussi qu'à
donner à ce terrible cancer l'apparence d'un
astre blafard, — se rendant eux-mêmes tout à
fait semblables à des miroirs de concupiscence
et de mort.
88 LE SALUT- PAR LES JUIFS
%
XXVII
Oserai-je dire maintenant, fût-ce avec des
timidités de colombe ou des prudences de ser-
pent, au risque de passer pour un misérable
fomentateur de sophismes hétérodoxes, le conflit
adorablement énigmatique de Jésus et de l'Esprit
Saint ?
J'ai parlé de Caïn et d'Abel, de l'Enfant
prodigue et de son frère, comme j'aurais parlé
du mauvais Larron et du bon Voleur qui les
évoquent si étrangement.
J^aurais pu tout aussi bien rappeler l'histoire
d'Isaac et d'ismaël^ de Jacobetd'Esau, de Moïse
et du Pharaon, de Saûl et de David et cinquante
autres moins populaires, où la Compétition mys-
tique des Aînés et du Puîné, décisivement et
sacramentellemcnt promulguée surleGolgotha,
LE SALUT PAR LES JUIFS 89
fut notifiée tout le long des âges, dans le mode
prophétique.
Les frères anathèmes ou persécuteurs
représentent toujours le Peuple de Dieu contre
le Verbe de Dieu. C'est une règle invariable et
sans exception que l'Eternité ne changerait pas.
Or, le Peuple de Dieu, c'est le lamentable
peuple des Juifs particulièrement dévolus au
Souffle du Sabaothquilesfittant de fois résonner
comme les harpes des bois séculaires.
. Israël est donc investi, par privilège, de la
représentation et d'on ne sait quelle très occulte
protection de ce Paraclet errant dont il fut l'ha-
bitacle et le receleur.
Pour qui n^est pas destitué de la faculté de
contemplation, les séparer semble impossible,
et plus l'extase est profonde, plus étroitemeiît
soudés Tun à l'autre ils apparaissent. Cela finit
par ressembler, dans la perspective des gouf-
fres, à une sorte d'identité.
Mais voici quelque chose de singulier. La
Croix représente aussi l'Esprit Saint. Elle est
TEsprit Saint lui-même !
<c Un jour la Terre apprendra, pour en
agoniser d'épouvante, que ce Signe était
mon Amour, c'est-à-dire TEsPRiT Saint caché
90 LE SALUT PAR LES JUIFS
SOUS un travestissement inimaginable!... (i) ».
"^ La Croix est un signe essentiellement. Sep-
ténaire.
En conséquence, les Juifs, si prodigieuse*
ment harmoniques à TEsprit Saint dont on
entend perpétuellement la>voix juive dans le
contre-bas de nos liturgies, parce que cet
Esprit a soufflé sur eux comme Pouragan, — les
Juifs donnent précisément la Croix au Verbe de
Dieu pour que l'écrasant Amour de Dieu soit
sur Lui dans sa forme symbolique la plus par-
faite et la plus dure.
A cette Croix, dont s'affligent les Sept
Jours, ils clouent fortement le même Verbe de.
Dieu qui est le pauvre Jésus, comme les bar-
bares paysans clouent l'oiseau de la Sagesse à
la porte de leur maison.
Ils le clouent de façon puissante pour qu^Il
ne descende pas sans leur permission.
Sept coups de marteau pour la Main droite.
Sept pour la Main gauche et Sept encore pour
Tefi^royable pointe échardée qui transperce les
deux pieds du Bon Pasteur; — afin que soit
obtenu le nombre significatif de vingt et un qui
fut celui des années de ce dérisoire Sédécias,
1 IM I !■■ I I II. ■ Il I ■ ■ I I I ■ ■ ■■
(i) Le Désespéré, page 367.
i i
LE SALUT PAR LES JUIFS 91
au Nom magnifique (i)j lequel « ne rougissait
pas devant la face de Jérémie »^ quand il monta
sur le trône souillé de Jérusalem, dont le triste
• peuple allait être fait captif.
Ce n^est pas tout, la Croix est ignoble et
elle fait le Verbe de Dieu ignoble comme elle*
La Croix est folle et le Verbe de Dieu, par
là volonté du peuple hostile, devient TEpoux de
sa démence.
La Croix est infirme, elle est immobile,
^ capable seulement de torturer, et la toute puis-
sante Parole incarnée du « Dieu des Dieux »,
couchée dans ses bras, devient infirme avec
elle, incapable de mouvement et bourreau de
ses plus chers qui devront être « configurés » à
son supplice...
i Ah ! s'ils pouvaient être séparés un jour !
I Maisu les Juifs seuls ont le pouvoir d'abroger la
loi de tourments qu'ils édictèrent, sans savoir ce
quHls faisaient y par une étonnante impulsion
i d^EnBas.
La gloire de cette Parole qu'ils ont mécon-
nue et l'avènement de TAmour tant annoncé par
il) Sedecias veut dire le ^uste du Seigneur. — II Para'
lipomènes^ chap. 36, v. il et 12.
92 LE SALUT PAR LES JUIFS
leurs prophètes ne peuvent arriver ensemble
que le jour où Jésus aura cessé d'être en Croix,
et cela dépend exclusivement de la Volonté
inconnue qui suscita leur malice.
Mais il était un million de fois nécessaire de
les clouer auparavant Tun à Tautre avec cruauté,
pour qu'ainsi fussent miraculeusement avérées,
dans le futur, les impossibles accordailles des
deux Testaments. . .
Quelques éclairs plus rapides que la
lumière, voilà tout ce qu'il est permis d^espérer.
La Révélation est un firmament très pâle offus-
qué par des montagnes de nues ténébreuses^
d^où sort quelquefois, pour s'y replonger aus-
sitôt, l'extrémité du bras de la foudre.
Quant au Soleil, il n^a pu se remettre en-
core de son émotion du Vendredi Saint, et nous
savons que les « iotas ou les points » ne pardon-
nent pas, qu'ils sont aussi implacables et ne se
laissent pas mieux pénétrer que les apologues
où les oraisons les plus grandiloques de cette
Ecriture scellée Trois et Quatre fois, dont tant
de chrétiens ont imaginé de si confortables
explications*
-N
LE SALÛT PAR LES JUIFS 93
XXVIII
Je sais trop combien doit paraître absurde,
monstrueux* et blasphématoire de supposer un
antagonisme quelconque au sein même de la
Trinité ; mais il n^est pas possible de pressentir
autrement l'inexprimable destinée des Juifs, et
quand on parle amoureusement de Dieu, tous
les mots humains ressemblent à des lions deve-
nus aveugles et qui chercheraient une source
dans le désert.
Il s^agit bien vraiment d^une rivalité pou-
vant être conçue par des hommes !
Tous les viols imaginables de ce qu'on est
convenu d^appelerla Raison peuvent être accep-
tés d'un Dieu qui souffre^ et quand on songe à
ce qu^il faut croire pour être seulement un misé-
rable chien de chrétien, ce n'est pas un très
grand effort de conjecturer par surcroît « une
94 LK SALUT PAk LES JUIFS
sorte d'impuissance divine provisoirement con*
certée entre la Miséricorde et la Justice en vue
de quelque ineffable récupération de Substance
dilapidée par l'Amour » (i).
Puisqu'on nous enseigne, dès le commen-
cement de la vie, que nous fûmes créés à la res-
semblance de Dieu, est-il donc si difficile de
présumer bonnement, comme autrefois, qu'il
doit y avoir, dans l'Essence impénétrable,
quelque chose de correspondant à nous, sans
péché^ et que le synoptique désolajit des trou-
bles humains n'est qu'un reflet ténébreux des
inexprimables conflagrations de la Lumière ?
S^il existe au monde un fait notoire vérifié
par l'expérience la plus rectiligne, c'est l'im-
possibilité d^assortir et d'atteler efficacement
l'Amour avec la Sagesse. Les deux incompa-
tibles chevaux de ton char funèbre s'entre-dévo-
rent depuis toujours, ô identique Humanité!...
Que celui qui peut comprendre , comprenne ;
mais, assurément, c'est là que se cache le
Secret de Dieu.
Et voici maintenant que, du fond des hypo-
gées de la mémoire, me revent un apoloerue
(i) Le Désespéré^ page 51.
LE SALUT PAR LES JUIFS 96 ,
sublime d^Ernest Hello sur la Gloire et la Jus-
tice, — réduplicatives appellations de ces deux.
antagonistes éternels.
Cette parabole étonnante, qui ne fut peut-
êtr^ jamais écrite et que Tauteur, vraisembla-
blement, n'eût pas osé publier, je la livre de bon
cœur, telle à peu près qu'il me la. conta lui-
même, quelques années avant de mourir.
Le Juge vient à son heure que nul ne con-
naît. A son approche, les morts ressuscitent, les
montagnes tremblent, les océans se dessèchent,
les fleuves s^envolent, les métaux entrent en
fusion, les plantes et les animaux disparaissent ;
les étoiles accourues du fond des cieux montent
les unes sur les autres pour assister à la Sépara-
lion des bons d'avec les méchants. L'épouvante
humaine est au-delà de ce qui peut être pensé.
« — J'ai eu faim et vous ne M'avez pas donné
à manger; j'ai eu soif et vous ne M'avez pas
donné à boire; J'étais étranger et vous ne
M'avez pas accueilli; J'étais nu et vous ne
M'avez pas vêtu ; J'étais malade et captif et vous
n€ M'avez pas visité... » (i)
C'est tout le Jugement, — effroyablement
ifaillible, effroyablement sans appel.
(i) S. Matthieu^ chap. 25.
96 LE SALUT PAR LES JUIFS
Enfin, un homme se présente, un être
horrible, noir de blasphème et d'iniquités •
C'est le seul qui n'ait pas eu peur.
C'est celui-là et non pas un autre qui fut
maudit des malédictions du ciel, maudit des ma-
lédictions de la terre > maudit des malédictions
de Tabîme d'en bas. C'est pour lui que la malé-
diction descendit jusqu'au centre du globe pour
y allumer la colère qui devait dormir jusqu'au
Jour des grandes Assises.
C'est lui qui fut maudit par les cris du
Pauvre, plus terribles que les rugissements des
volcans, et les corbeaux des torrents ont affirmé
aux cailloux roulés dans le lit des fleuves qu^il
était vraiment maudit par tous les souffles qui
passaient sur les champs en fleurs.
Il fut maudit par Técume blanche des
vagues exaltées dans la tempête, par la sérénité
du ciel bleu, par la Douceur et la Splendeur, et
maudit enfin par la fumée qui sort des chau-
mières à l'heure du repas des très humbles
gens.
Et comme tout cela n'était rien encore, il
fut maudit dans son infâme cœur, maudit par
Celui qui a besoin, éterneUemc7tt besoin, et que
jamais il ne secourut.
LE SALUT PAR LES JUIFS '97
Il se nomme peut-être Judas, mais les Séra-
phins qui sont les plus grands dés Anges ne
pourraient pas prononcer. son nom.
Il a l'air de marcher dans une colonne de
bronze. .
Rien ne le sauverait. Ni les supplications de
Marie, ni les bras en croix de tous les Martyrs,
ni les ailes éployées des Chérubins ou .des
Trônes... Il est donc damné, et de quelle dam-
nation !
— J^en appelle ! dit-il .
Il en appelle!... A ce mot inouï les astres
s'éteignent, les monts descendent sous les mers,
la Face même du Juge s'obscurcit. Les univers
sont éclairés par la seule Croix de Feu.
— A qui donc en appelles-tu de Mon Juge-
ment? demande à ce réprouvé Notre Seigneur
Jésus-Christ.
C'est alors que dans le silence infini de la
Création, le Maudit profère cette rép.onse :
— J'en appelle de ta JUSTICE a ta
GLOIRE !
98 LE SALUT PAR LES JUIFS
XXIX
Parmi tous les préjugés ou congénitales
opinions dont la multitude^ s'accommode, il
n'existe rien de plus fortement rivé dans l'âme
chrétienne que le lieu commun surbanal qui
consiste à expliquer la fameuse cupidité juive et
l'instinct de mercantilisme universel du peuple
errant par un rigoureux décret qui le châtierait
ainsi d'avoir trafiqué de son Dieu.
Incontestablement, à partir de la vendition
du Christ où cet instinct se déchaîna, les Juifs
ont été fixés dans leur infidélité, juste au point
mathématique où se consommait ignoblement
leur vocation de dépositaires des prophéties ; —
de même que tous les hommes, d'après la Théo-
logie, sont irrémédiablement amarrés à la cir-
constance précise du péché dont ils sontimpé
tents, quand la mort vient les y surprendre.
li
N
LE SALUT PAR LES JUIFS
99
Je n'ai jamais dit autre chose et je crois
même avoir assez entr'ouvert sur les -lieux obs-
curs cette porte blême de l'Irrévocable.
Mais le « Ver » de leur damnation les
rongeait à V intérieur^ depuis très longtemps,
lorsqu'il apparut. Car Tessence des choses ne
dévie pas, les plus atroces pervers n'ont pas le
pouvoir de supplanter leur propre nature et il
serait contraire aux arrangements indéclinables
de Dieu que les Juifs n'eussent pas toujours été,
substantiellement^ ce qu'on les voit être aujour-
d^'hui, et cela dès l'origine, — jusque dans les
flancs d^ Abraham qui les à tous engendrés.
L'immensité de ce Nom, béni au-dessus de
tous les noms, et la sainteté colossale du
Patriarche n'y peuvent rien .
Que dis-je ? Ne donnent-elles pas justement,
pour l'effroi de la pensée, quelque mesure appré-
ciable de la chute en avalanche de ses innom-
brables enfants qui ne cessent de dégringoler au
travers de l'histoire humaine, en rebondissant
contre toutes les parois sonores ?
En ce tabernacle sublime qui se nomme
pour l'éternité « le sein d'Abraham » dut exis-
ter, tout d'abord, à l'état d'indicible germe,
l'horrible ivraie de malédiction et de dégoût que
100 LE SALUT PAR LES JUIFS
cultive exclusivement, avec tant de soin, la pos-
térité cadavéreuse de V « Appelé » de Jéhovah-
En d'autres termes, celui ;qui fut désigné
V « Ami de Dieu pour toujours » et qui n'eut
jamais « son semblable en gloire », dut porter
au dedans de lui, — sous les espèces de la
lumière, — toute la chiennerie des usures et
des brocantages dont sa descendance lointaine,
réprouvée du genre humain, devrait subsister
dans les temps futurs.
L'admirable négociation de Tamnistie de
Sodome, au XVIIP chapitre de la Genèse, en
est un exemple confondant.
Qu'il me soit donc permis, pour délivrer
enfin tout à fait mon âme, d'^en citer ici une para-
phrase un peu plus qu'extraordinaire. . ,
L'auteur dont. j^ai promis de respecter l'ano-
nyme et qui est, je crois, — en même temps
qu'un pestiféré, — le dernier fervent de la haute
exégèse des anciens jours, apparaît ici tel qu'un
intraitable spéculatif d^Absolu^ ne consentant
pas à se déplacer un seul instant de ce point :
qu'Abraham est absolument le Père du Fils de
Dieu par Marie et que c'est au nom de la Vierge
Mère qu'il lui faut parler. . .
Il est bien entendu que cette page est offerte
LE SALUT PAR LES JUIFS 101
comme ces caractères en relief qui servent à
l'éducation littéraire des jeunes aveugles.
Les lecteurs au tâtonnement lucide y trou-
veront à coup sûr une preuve singulière de la
juiverie du Patriarche qui marchande pied à
pied, — comme un Youtre d'Alger ou de Var-
sovie marchanderait un haillon pourri, — le
très juste assouvissement de son Seigneur en
colère.
Miséricordieuse, adorable juiverie des
commencements, lorsque le nom même des
Juifs n'était pas encore et que les chevreaux des
pasteurs pouvaient exulter sur des collines
pleines de parfums et d'encensoirs, que n'avait
pas profanées Pabomination du Peuple de
Dieu !
•*^
10£ LE SALUT PAR LfiS JUIFS
XXX
LA
PREMIÈRE SPÉCULATION JUIVE
~ La clameur de Sodome et de Gomorrhe
s^est multipliée, dit le Seigneur, et leur péché'
s'est excessivement aggravé, (i)
Cette parole est adressée confidentielle-
ment à Abraham, aussitôt après la Promesse
d'un Fils eti qui toutes les nations de la terre
seront bénies. Promesse qui a fait rire la vieille
Sara « derrière la porte du tabernacle », comme
elle avait fait rire, quelques jours auparavant, le
centenaire Abraham*
• •
tà^t
(i) Genèse j chap. 18^ v. 20,
LE SALUT PAR LES JUIFS 103
MhMlta
Le rire est très rare dans l'Ecriture. Abra-
ham et Sara, ces deux ancêtres de la doulou-
reuse Marie, Mère des Larmes, sont chargés
dePinaugurerjet cette circonstance mystérieuse
est considérable à tel point que le nom de la
première tige du rouvre généalogique de la
Rédemption, au moment où cet arbre sort de
terre, c'est précisément Isaac qui signifie rire.
C'est lorsque Tair vibre encore de ce rire
surprenant que Dieu raconte à son Patriarche la
clameur des villes coupables et que commence
la sublime histoire des Cinquante Justes.
La beauté infinie de cet endroit commande
un si grand respect et une si tremblante admira*
tion, qu'il est à peine possible d'espérer qu^on
ne blasphémera pas en essayant de le com-
menter.
Il faut se souvenir qu'on est à l'origine de
tout, et que le Peuple élu, c'est-à-dire l'Eglise
militante, vient d'être appelé.
Abraham, le Père élevé de la multitude^
l'Homme unique dont Noé n'était que la figure,
et dans le sein de qui les âmes vivantes des
justes doivent un jour abriter leur gloire;
Abraham offre l'hospitalité de sa tente aux Trois
Personnes divines qui lui sont apparues datts la
104 LE SALUT PAR LES JUIFS
vallée de Mambré, à l'heure de la grande
(( ferveur » du jour, (i)
Dans son empressement à les servir,
PAïeul de Marie multiplie les symboles et les
figures, et, après une série d'actçs qui font
penser au Sacrifice de la Messe, il finit par se
tenir debout SOUS l'arbre, tout près d'eux, (2)
C'est rheure du renouvellement de la Pro-
messe. Le Seigneur reviendra dans le temps
marqué, et Sara, Thabitante du tabernacle, aura
un Fils. Moïse, David, Salomon et les dix-sépt
Prophètes de la loi d'attente n'auront plus autre
chose à faire, désormais, que de répercuter en
échos cette annonce béatifique de la naissance
(i) Genèse^ chap. 18, v. i et 2. — Le Texte parle de trois
hommes, très viri stantes^ et Abraham leur parle continuelle-
ment au singulier. Ne doit-on pas conclure de cette cir-
constance et des marques extraordinaires de respect qu'il
leur donne, que le patriarche se savait en présence du
Seigneur lui-même ? Grand nombre de Pères l'ont cru. Le
Concile de Sirmich a prononcé anathème contre ceux qui
diraient qu'Abraham n'avait pas vu le Fils, et l'Eglise adopta
ce sentiment, puisqu'elle chante en son office : Très vidit et
Untim adoravit. S. Augustin dit serm. 70, de tempore : In eo
qtiod très vidit^ T, initatis mysterium intellexit. Quod autem
quasi unum adoravit^ in tribus personis Unum Deum esse
cognovit.
(2) Vers. 8.
•%
LE SALUT PAR LES JUIFS 105
du véritable Enfant d^Abraham qui sera le Sau-
veur des autres.
Après un tel don où la Tendresse infinie
s^est pour ainsi dire épuisée, lé même Seigneur
« ne peut » plus rien cacher à celui qu'il aime,
et '^\ii fait connaître son terrible dessein de
perdre Sodome et Gomorrhe dont la clameur
est montée jusqu^à lui.
L'espèce de métonymie scripturale em-
ployée ici pour exprimer l'énormité inouïe du
péché que Dieu va punir, laisse dans la pens'^e
une empreinte singulière. Il paraît que le crime
a une voix comme l'innocence, et que l'abomi-
nation de Sodome crie comme le sang d'Abel.
— Je descendrai, ajoute le redoutable
Interlocuteur, et je verrai si leurs œuvres
répondent à ce cri qui est venu vers moi;
je veux savoir si cela est ainsi ou si cela n'est
pas.
Ces derniers mots sont une provocation
ineffablement paternelle à la prière audacieuse
qui va suivre. Ce que le Seigneur veut voir
surtout, c'est Phumilité de son serviteur, humi-
lité qui éclatera d'autant plus que ses supplica-
iis seront plus pressantes et en apparence
as téméraires. C'est pour cela qu'il descend^
8
i
106 LE SALUT PAR LES JUIFS
—^i— iw— ■— — — M— — ii»^— — ^i— — — — ^— — ^— pww^ ■ ■■■■!■ . I mmm^^m^^^^^m^ÊÊi^mmmm
et c'est ce prodige de sa grâce qu'il veut
s'attester à lui-même.
Pour sentir la sublimité de cette scène, il
n'est pas inutile de penser à ce que Jésus
exprime si profondément quand il parle du
« Sein d^Abraham » (i). Le Patriarche porte en
lui Jérusalem, et il prie dans toute la force de la
bénédiction universelle qu'il vient de recevoir,
— projetant ainsi cette parabole infinie de pro-
phétiques extases qui commence à lui, et qui^
après avoir enjambé toute la pérégrination de
Jacob, doit s'achever avec splendeur dans le
dernier verset du « Magnificat » .
Sodome est la ville du Secret, et Gomorrhe
est la ville de la Rébellion (2). Elles paraissent
représenter deux formes inconnues de l'attentat
contre l'Amour, avec une aggravation spéciale
pour la première , en faveur de laquelle
Abraham intercède particulièrement, comme si
le salut des rebelles dépendait du pardon
accordé aux clandestins et aux idolâtres.
Marie ne devant parler que six fois dans
l'Evangile, Abraham, chargé de figurer l'inter-
(i) Luc, chap. 16, V. 22 et 23.
(2) Tel est le sens hébraïque de ces deux noms.
\
LE SALUT PAR LES JUIFS 107
cession de cette Mère des vivants, i^e deman-
dera que SIX fois la grâce des coupables, et il la
demandera, non pour que le crime soit épargné,
mais pour que « le juste ne soit pas enveloppé
dans le châtiment de Pimpie » ,
— S'il se trouve CINQUANTE justes dans la
cité, dans la vraie Cité qui sera le cœur de votre
Mère, ne pardonnerez-vous pas? Cinquante
coudées faisaient toute la largeur de TArche
dans laquelle la race humaine fut sauvée, (i)
Non, vraiment, il n'est pas possible que vous
fassiez cette chose : que vous exterminiez le
juste avec l'impie, et que Tinnocent soit traité
comme le coupable; cela n^est pas digne de
vous qui jugez toute la terre. Vous ne pourrez,
en aucune façon, exercer un tel jugement. (2)
— Je pardonnerai à cause d'eux, prononce
le Seigneur.
Abraham se replie sur lui-même. 11 consi-
dère qu'il n^est que « cendre et poussière »,
mais enfin, puisqu'il a commencé, pourquoi ne
continuerait-il pas de parler à son Maître ?
— S'il s'en fallait de cinq, hasarde-t-il.
(i) Genèse^ chap. 6, v. iS-
(2) Genèse^ chap. 18, v. 25.
108 LE SALUT PAR LES JUIFS
qu'il y eût cinquante justes, détruiriez-vous toute
la ville parce qu^il n'y en aurait que quarante*
CINQ ?
Le Seigneur considère à son tour qu'étant
tout-puissant, il peut tout perdre, mais qu^il
faudra quarante-cinq colonnes parfaitement
droites et magnifiques pour soutenir la coupole
du palais mystique de Salomon (i), et il promet
de ne pas détruire la ville s'il y trouve quarante-
cinq justes.
Abraham parle une troisième fois.
— Mais s'il y a quarante justes, que ferez-
vous.^ Ah! oui, Seigneur, que ferez-vous?
Le Déluge a duré quarante jours et autant
de nuits, après lesquels vous fermâtes les
fontaines de l'abîme ; votre peuple est prédes-
tiné à se lamenter quarante ans dans le désert,
avant d'arriver à la région de son désir; Ezé"
chiel, le voyant de votre gloire et l'appariteur de
vos Evangéhstes , annoncera, dans quelques
siècles, Tassomption par vous de l'iniquité de
Juda, pendant les quarante jours de votre
jeûne (2). Que ferez-vous de Sodome si vous y
(i) //7® Livre des JRois^ chap. 7, v. 3.
(2) Ezéchielj chap. 4, v. 6.
%
LE SALUT PAR LES JUIFS 109
découvrez autant de justes que votre incommu-
nicable Unité divine est contenue de fois dans le
nombre symbolique de la Pénitence ?
— En considération de quarante, je con-
sens à ne point frapper, dit le Seigneur.
— Ne vous indignez pas, je vous en prie,
reprend le Patriarche, si je parle encore. Qu^ar-
rivera-t-il, s'il n'y en a que trente? Souvenez-
vous que l'Arche, qui portait dans ses entrailles
la Réconciliation (i), n^avait que trente coudées
de hauteur (2). C'est vous-même qui donnâtes
cette mesure au juste Noé, et ce sera précisé-
ment le nombre misérable des pièces d'argent
qui serviront un jour à vous acheter pour le
Sacrifice, quand il y aura dans le monde un
dénûment total d'holocaustes capables de vous
apaiser.
— Je ne ferai rien, répond aussitôt le Sei-
gneur, si je trouve ici le nombre de trente.
Insister davantage est évidemment témé-
raire. Un homme de grande discrétion et de foi
modique s'en tiendrait là. Néanmoins, Abraham
espèr.e encore. Il se dit, comme David, qu'il
(i) Ecclésiastique^ chap. 44, v. 17.
(2) Genèse, Qhdi^. 6, v. 15.
110 LE SALUT PAR LKS JUIFS
n'est pas possible que Dieu se dépouille de sa
miséricorde, qu^il oublie d'avoir pitié, et qu^il
emprisonne sa clémence dans sa fureur (i).
Alors, cet homme de tous les commencements
se détermine.
— Puisque j'ai commencé une bonne fois,
je parlerai encore à mon Seigneur. S'il ne s'en
trouvait que vingt. S'il arrivait qu'il n^y eût que
vingt fils vraiment fidèles dans le cœur de la
Mère que je dois vous donner un jour; si. le
parvis de votre Tabernacle n^était soutenu que
par vingt colonnes d'airain à chapiteaux d'ar-
gent ciselé (2), votre Demeure Immaculée crou-
lerait-elle pour cela?... Et ce n'est pas tout.
Seigneur. Vous «avez que vous serez vendu une
autre fois aux Madianites, c^est-à-dire aux gens
de justice (3), dans la personne de mon arrière
petit-fils Joseph, et, dans cette circonstance,
vous ne serez acheté que vingt pièces d^argent,
car vous êtes à vendre à tout prix, ô mon
Dieu !
— Par déférence pour le nombre vingt, je
ne tuerai pas, dit le Seigneur.
(i) Psaume 76, v. 9 et 10.
(2) Exode ^ chap. 27, v. 10.
(3) Madian signifie jugement et implique l'idée de litige.
^. ^<
'«^ .-
LE SALUT PAR LES JUIFS 111
L'Ecriture appelle Abraham le «. bien-
9.imé » de Dieu.., Il lui reste encore une prière
sur le cœur. Il faut qu'il la dise, et c'est d'autant
plus difficile qu^elle est absolument semblable
aux autres. Mais, après tout, c^est de lui que
doit sortir un jour Celle dont les entrailles et les
mamelles seront appelées bienheureuses. A ce
titre, il peut tout oser,
— Je vous supplie, dit-il, de ne pas vous
mettre en colère si je parle encore une fois, une
seule fois. Que décider ez-vous, si vous trouvez
DIX justes en ce lieu?... Ne doit-il pas venir un
jour où dix hommes, en effet, dix hommes « de
toutes les langues des nations » , accourus pour
chercher la Face de Dieu, se pendront à la
frange de VHomme Juif et lui diront : « Nous
voulons aller avec toi, parce que Dieu est ton
compagnon (i) »... Ces dix hommes ne sont-ils
pas nécessaires à vos desseins, tout autant que
les Dix Commandements de la Loi que vous
écrirez de votre main sur le Sinaï formidable }
Dans le lumineux crépuscule de son
oraison de prophète, le Patriarche entrevoit
sans doute ces étrangers de la fin des fins...
(i) Zacharie^ chap. 8, v. 23.
f
112 LE SALUT PAR LES JUIFS
S'ils allaient pourtant se rencontrer dans
Sodome, cité du mystère!... le Seigneur serait
bien forcé de pardonner !
Et il pardonne, en effet, s'engageant à ne
pas détruire la ville si ces dix justes s'y
trouvent.
Ici finit le dialogue de la Toute-Puissance
vengeresse et de la Toute-Puissance sup-
pliante (i). Le Seigneur ayant été vaincu six
fois, s'en va et cesse de parler à Abraham,
comme s'il cra^'gnait d'être vaincu une septième
et de ne plus pouvoir se « reposer » ensuite
dans sa justice.
(i) Omnipotentia supplex. Ce nom magnifique de la
Vierge fut révélé par Saint Bernard.
LE SALUT PAR LES JUIFS 113
XXXI
V
Tels sont les Juifs, les Juifs authentiques
— semblables en tout point à ce Nathanaël
aperçu sous remblématique figuier, qui faisait
dire, malgré tout, à Celui qui s'est appelé la
Vérité : « Voici un Israélite véritable^ SANS
DÉGUISEMENT (l) ».
Tels il plut à Dieu de les former à l'ori-
gine et tel II ne craignit pas de se configurer
Lui-même, par amour, en tant que Fils
d'Abraham selon la chair, passible et mortel.
J'ai trop renoncé depuis longtemps à ne
pas déplaire pour être arrêté par la peur de
congestionner quelques sacristains fougueux,
en disant que Notre Seigneur Je sus- Christ dut
porter encore cela comme tout le reste, c'est-à-
dire avec une exactitude infinie.
(i) yeafij chap. i, v. 47.
S
■«I
114 LE SALUT PAR LES JUIFS
Sans reparler du grand Holocauste qui fut
évidemment la « spéculation » la plus auda-
cieuse qu'un Israélite ait jamais conçue, il ne
serait pas très difficile de trouver dans Vexté-
rieur des paroles infiniment aimables et sacrées
du Fils de Dieu quelque lien de famille avec
Téternelle pensée judaïque dont bouillonne la
Gentilité .
L'Econome infidèle, par exemple, n'est-il
pas loué précisément pour sa fraude et l'iné-
clairable conclusion de Jésus n'est-elle pas le
précepte formel de « se faire des amis avec les
richesses d'iniquité » ? (i)
C'est, en somme, la traditionnelle recom-
mandation de spolier et de foi-mentir, ancienne-
ment notifiée aux six cent mille Hébreux de
PExode qui s^en allèrent d'Egypte chargés de
trésors empruntés pour ne pas les rendre, aidés
en cela par le Seigneur même qui les protégea
dans leur fuite (2) .
Identité perpétuelle en la profondeur de
ces Textes saints, dont le sens littéral scanda-
lise tant de malfaiteurs et dont la sublime int^r-
(i) ZuCf chap. 16.
(2) Exode, chap. 12, v. 35 et 36.
LE SALUT PAR LES JUIFS 115
prétation par les symboles est pour jamais
inaccessible à tous les goitreux.
On croit tomber dans un abîme lorsqu'on
songe que le mot : Egypte — Mizraïm en
hébreu, -rr. signifie littéralement Angoisse ou
Tribulation ; que le premier Joseph, vendu par
ses frères, si nettement figuratif du Verbe fait
chair et qui fut obéi de tout ce royaume délivré
par lui de la famine, « fut nommé en langue
égyptienne : Sauveur du monde » (i); et que,
par conséquent^ Jésus lui-même, le « consom-
mateur » ou concentrateur h3^ostatique des
prophéties et des symboles, exclusivement
venu de son Père afin de régner sur l'univer-
selle Douleur, ne fit pas autre choTse, après tout,
quand il s'évada par l'opprobre de son supplice,
que d'emporter avec lui les trésors d'angoisse
héréditaire et les économies de tribulations qu'il
avait empruntés^ pour ne les rendre jamais, à
tous ceux qui avaient mis leur confiance en lui.
Après la disparition de ce Banqueroutier
adorable du désespoir, les Juifs qui venaient de
crucifier en sa personne, « sans savoir ce qu'ils
faisaient », la conscience même de leur Primo-
(i) Genèse, chap. 41, v. 45.
116 LE SALUT PAR LES JUIFS
géniture^ continuèrent cependant l'Instinct de la
Race que Tlncarnation miraculeuse avait amal-
gamé de façon tellement puissante, — quoique
si vainement pour eux, — à la Volonté divine...
et il ne resta plus dans leurs mains que ce
pauvre- Argent massacré qui devait remplacer
leur Messie.
XXXIl
Mais cet instinct de mercantilisme et de
fourberie, dépouillé de ses attenances mysté-
rieuses, n'était plus alors qu'une pente raide
vers les lieux très bas de l'avarice et de la
cupidité
La couarde « supplantation » du pauvre
LE SALUT PAR LES JUIFS 117
colosse Esaû devant qui Jacob, fort contre Dieu
seul, n'a jamais cessé de trembler et le détrous-
sement universel des Egyptiens sont devenus
des fonctions banales, inaptes à préfigurer
autre chose que le Châtiment définitif — dont
la forniCy inconnue pourtant, sera telle que
celui qui la connaîtrait par confidence de
l'Esprit Saint saurait, à coup sûr, l'indevinable
Secret du dénouement de la Rédemption.
Inarrêtables dans leur chute, ils roulèrent
tant qu^ils purent, jusqu'au plus infime degré
de TEscalier des Géants de l'ignominie.
N'ayant retenu de leur apanage souverain
que le Simulacre de la puissance, qui est l'Argent,
ce métal infortuné devint une ordure entre leurs
grifi^es d'oiseaux des morts, et ils exigèrent qu^il
travaillât pour leur service à l'abrutissement du
monde entier.
Dans la crainte que ce serviteur unique ne
leur échappât, ils l'enchaînèrent férocement et r^
ils s'enchaînèrent à lui par des cordes mons-
trueuses qui faisaient sept fois le tour de
leurs cœurs, employant ainsi leur despotisme
farouche à se rendre eux-mêmes ses esclaves.
Et l'âme des peuples, à lalongue, s^encrassa
le leur pestilence.
118 LE SALUT PAH LES JUIFS
Puisqu'ils avaient attendu plus de deux
mille ans une occasion de crucifier le Verbe de
Dieu, ils pouvaient bien attendre encore dix-huit
fois cent ans qu'une explosion colossale de la
Désobéissance eût transformé en pourceaux les
adorateurs de cette Parole douloureuse, pour
qu^au moins le troupeau de V <c Enfant prodigue »
ne manquât pas à cet Israël qui avait dissipé sa
substance.
Il est, en effet, devenu si complètement ce
pasteur !
Les nations chrétiennes renégates, envahies
par la lèpre blanche de son sale argent, lui
obéissent, et les mercenaires potentats, humble-
ment descendus de leurs vieux trônes, se. ven-
trouillent à ses pieds, dans ses déjections.
Ainsi se trouve accomplie, dans l'absolu de
la dérision et du sacrilège, la littérale prophétie
du Deutéronome : « Tu prêteras à intérêtàbeau-
coup de gentils et n'emprunteras d'aucuns. Tu
domineras sur plusieurs nations et nul ne domi-
nera sur toi » . ( I )
Ce règne de l'argent qui fait sourciller d'in-
dignation le blanc vicaire de Jésus-Christ et qui
(i) Chap. 15, V. 6.
LE SALUT PAR LES JUIFS 119
m'apparaît, — ^ je crois l'avoir beaucoup dit, —
comme un insondable arcane, est tellement
accepté de. la descendance catholique des su-
blimes désintéressés du Moyen Age, que ceux
qui rêvent Phumiliation des-Juifs sont forcés de
la demander au nom de leur propre fange vain-
cue par le cloaque , supérieur de ces vermineux
étrangers.
Les seuls amants de la Pauvreté, tes bons
miséreux de la pénitence volontaire, — s^il s'en
trouve encore, — auraient peut-être le droit de
les détester pour avoir oxydé d'argent le vieil
or très pur des tabernacles vivants de TEsprit
Saint ; pour avoir ignoblement amalgamé leur
âme sordide avec Tâme généreuse des nations
sans perfidie que les Saints avaient formées,
« comme les abeilles forment les rayons de leur
miel » ; enfin et surtout, pour avoir. — au mépris
des Normes éternelles et par le moyen d'une
effroyable dilatation de l'Envie, — suggéré,
parmi les peuples chrétiens, la substitution aux
Commandements du Seigneur des fratricides
commandements du Mauvais Pauvre.
Car il est indubitable qu'ils ont diabolique-
ment abaissé le niveau de l'homme en ce dernier
siècle où leur pouvoir d^avilir a tant éclaté.
120 LE SALUT PAR LES JUIFS
C'est par eux que s'est instaurée la mo-
derne conception du But de la vie et que flam-
boya le crapuleux enthousiasme des Affaires.
C'est par eux que cette algèbre de turpi-
tudes qui s'est appelée le Crédit a définitivement
remplacé le vieil Honneur dont les âmes cheva-
lières se contentaient pour tout accomplir.
Et comme si cç peuple étrange, condamné,
quoi qu'il advienne, à toujours êtfe, en une
façon, le Peuple de Dieu, ne pouvait rien faire
sans laisser apparaître sur le champ quelque
reflet de son éterne^.le histoire, la PAROLE
vivante et miséricordieuse des chrétiens, qui
suffisait naguère aux transactions équitables, fut
de nouveau sacrifia, dans tous les négoces
d'injustice, à la rigide ECRITURE incapable de
pardon.
Victoire infiniment décisive qui a déterminé
la débâcle universelle.
Le précipice étant ouvert, les sources pu-
res de la grandeur et de l'idéal y tombèrent en
sanglotant. La Raison s'exfolia comme une ver-
tèbre frappée de nécrose, et la peste juive
étant parvenue enfin, dans la ténébreuse vallée
dès goitres, au point confluent où le typhus
maçonnique s'élançait à sa rencontre, un cré-
LE SALUT PAR LES JUIFS 121
tinisme puissant déborda sur les habitants de
la lumière, dévolus ainsi à la plus abjecte des
morts.
Heureusement, les bêtes venimeuses ne se
débarrassent jamais de leur venin, qui les fait
crever elles-mêmes quelquefois, et il a bien fallu
4
qulsraël s'inoculât l'idiotie dont il gratifiait
l'univers.
Il est même tout à fait possible que ce mal
vraiment ca(fwc^ dont l'imbécile tablier des Loges
est l'emblème le plus expressif et le symp-
tôme le plus alarmant, ait été accepté par lui,
dans rinassouvissement de sa rage, comme un
suicide, une immolation nécessaire...
Mais, — ô, grand Dieu! — que voilà dont
un pitoyable réconfort pour des sociétés en déli-
quescence, engluées pêle-mêle avec leur vain-
queur dans les puantes colliquations de l'irré-
médiable décrépitude !
9
â
122 LE SALUT PAR LES JUIFS
XXXIII
Silence ! . . .
Une Voix d'En Bas.
Voix d^exil extrêmement lointaine, exté-
nuée, presque morte, qui paraît grandir en
montant des profondeurs..
— La Première Personne est Celle qui
parle.
La Seconde Personne est Celle à qui Von
parle.
La Troisième personne est Celle de qui
l'on parle.
Cette Troisième Personne, c'est Moi,
Israël, prœvalens Deo^ fils d'Isaac, fils d'Abra-
ham, générateur et bénisseur des douze Lion-
ceaux établis sur les degrés du Trône d'ivoire,
pour la diligence du grand Roi et le perpétuel
ombrage des nations.
Je suis l'Absent de partout, l'Etran
«^
LE SALUT PAR LES JUIFS 123
dans tous les lieux habitables, le Dissipateur
de la Substance , et mes tabernacles sont . .
plantés sur des collines si lugubres que les
reptilea même des sépulcres ont fait des lois
pour que les sentiers de mon désert fussent
effacés.
Aucun voile n'est comparable à mon Voile
et nul homme ne me ^connaît, parce que nul,
excepté le Fils de Marie, n'apu deviner Ténigme
infiniment équivoque de ma damnation. ,
A l'âge même où je paraissais valide et
glorieux, en ces temps anciens pleins de pro-
diges qui ont précédé le Golgotha, mes pro-
pres enfants ne me connurent pas toujours et
souvent ils refusèrent de me recevoir, car mon
joug est sans douceur et mon fardeau très
pesant.
J'ai tellement la coutume de porter le Re-
pentir effrayant du Jéhovah, « ennuyé d'avoir
fait Jes hommes et les animaux», (i) et on
voit si bien que je le porte en la même façon
que Jésus a porté les péchés du monde !
C'est pourquoi je suis poussiéreux d'un
très grand nombre de siècles.
(i) Gè7iêse,chdip, 6, v. 7.
1)2 1 LE SALUT PAR LES JUIFS
Je parlerai néanmoins avec une autorité
de Piitriarche inamissible, investi cent fois de
Télocution du ToutrPuissant.
Je n^aime pas beaucoup mes fils de Juda
et de Benjamin pour avoir crucifié lé Fils.de
Dieu. Ils sont bien la postérité de leurs deux
ancêtres, engendrés de moi, que j'ai comparés
naguère à deux animaux féroces.
Mais ils ont subi leur châtiment et je n'ai
pas refusé d'être l'époux et le titulaire de leur
excessive réprobation.
Me souvenant d'avoir perfidement spolié
mon frère Esaû, il était selon la justice que
j'assumasse, jusque dans ma dernière descen-
dance, la complicité d'une perfidie qui préparait
le Salut du genre humain en me dépouillant
moi-même de la domination sur tous les
empires.
Il est vrai que ces misérables enfants ne
savaient pas qu'ils accomplissaient ainsi la
translation des images et des prophéties, et
que, par leur crime sans nom ni mesure,
s'inaugurait le Règne sanglant de la Seconde
Personne de leur Dieu, succédant à la Pre-
mière qui les avait tirés de la douloureuse
Egypte.
^
LK SALUT PAR LES JUIFS .. 125
11 faut bien qu'arrive désormais Pavène-
ment de la Troisième dont /'empreinte est
sur ma Face^ par qui tous les voiles seront
déchirés dans tous les temples des hommes,
et tous les troupeaux confondus dans TUnité
lumineuse*
Toutefois ces choses n'arriverontpas avant
qu'on ait vu « l'abomination de la désolation
dans le- Lieu Saint », c'est-à-dire avant que
les chrétiens, réprobateurs si constants de
mon infidèle progéniture, n'aient consommé
à leur tour, avec un acharnement plus grand,
es atrocités qu'ils leur reprochent.
Ecoutez, ô chrétiens, les paroles d'Israël
confident de TEsprit de Dieu.
Celui qtii est ne sait pas autre chose que se
répéter lui-même, et le Seigneur des Seigneurs
a toujours soif de souffrir...
Quand le Promis appelé Consolateur vien-
dra prendre possession de son héritage, il fau-
dra nécessairement que le Christ vous ait
quittés, puisqu^il déclara que ce Paraclet ne
pourrait venir s'il ne s'en allait auparavant, (i)
Jean^ chap. t6, v. 7
126 LE SALUT PAR LES JUIFS
Car il paraîtra vous abandonner un jour,
. comme son Père avait abandonné Jérusalem
et Tabandonnâ lui-même, et vous serez livrés
aussi rigoureusement que les Juifs « à l^op-
probre sempiternel et à l'ignominie perdu-
rablé qui ne sera jamais oubliée » . (i)'
Ne voyez-vous pas nue nous sommes, dès
à présent, les convives du même festin de turpi-
tudes et que nous allons de compagnie^ sous le
fouet de l'exacteur ?
Depuis si longtemps qu'ils vous instrui-
sent, vos docteurs n'ont-ils pas compris que les
deux sœurs prostituées dont parle Ezéchiel ont
survécu à Jérusalem et à Samarie ; qu'elles
vivent toujours dans la pérennité du symbole, et
qu'elles se nomment aujourd'hui la Synagogue
et l'Eglise ?
« Parce que tu as cheminé dans le chemin
de ta sœur, dit à'ia plus jeune le Seigneur Dieu,
je mettrai son caHce en ta main.
« Tu boiras le calice de ta sœur, le large
et profond calice; tu seras en dérision et en
colossale subsannation.
« Tu seras comblée d'ivresse et' de dou-
(i) Jérémie^ chap. 23, v. 39 et 40.
LE SALUT PAR LES JUIFS " 127
. leur par ce calice de deuil et de tristesse, le
♦
calice de ta sœur aînée y gardienne sans fidélité
qui s^est polluée dans les immondices des
nations. . .
« Tu le boiiras et le videras jjiisqu'à la lie,
et tu en dévoreras les tessons, et tu te déchi-
reras les mamelles . , ;
« Et vous serez l'une et Pautre livrées au
tumulte et à la rapine, lapidées par tous les
peuples et passées au fil de leurs glaives. » (l)
Il se sera donc retiré de vous'à la distance
d'un jet de pierre (2), ce Rédempteur impuis-
sant à vous réveiller, et vos âmes seront
désertes de lui, comme les tabernacles de ses
' autels au jour mortifié du Vendredi lamentable.
. En cet abandon de Celui qui est votre force
et votre espoir, l'univers tout fumant d'effroi
contemplera Firrévélable Tourment de TEsprit
Saint persécuté par les membres de Jésus-
Christ.
Là Passion recommencera, non plus au
milieu d^un peuple farouche et détesté, mais au
(i) Esiéchielj chap. 23.
(2) Luc^ chap. 22, V. 41.
128 LE SALUT PAR LES JUIFS
carrefour et à Tombilic de tous les peuples, et
les sages apprendront ,que Dieu n'a pas fermé
ses fontaines, mais que l'Evangile de Sang
qu'ils croyaient la fin des révélations était, à
son tour, comme un Ancien Testament chargé
d'annoncer. le Consolateur de Feu.
Ce Visiteur inouï, attendu, par moi quatre
mille ans, n'aura pas (Tamis et sa misère
fera ressembler les mendiants à des empe-
reurs. .
Il sera le fumier même où l'indigent Id.u-
méen raclait ses ulcères. On se penchera sur
lui pour voir le fond de la Souffrance et de
l'Abjection.
A son approche, le soleil se convertira
en ténèbres et la lune en sang ; les fleuves
superbes reculeront en fuyant comme des che-
vaux emportés ; les murs des palais et les
murs des bagnes sueront d'angoisse.
Les charognes en putréfaction se couvri-
ront de parfums puissants achetés à des
navigateurs téméraires, pour se préserver de
sa pestilence et, dans l'espoir d'échapper à
son contact, les empoisonneurs des pauvres
ou les assassins d^enfants diront aux mon-
4
tagnes de tomber sur eux.
LE SALUT PAR LES JUIFS Î129
Après avoir exterminé la pitié, le dégoût
tuera jusqu^â la colère,- et ce Proscrit de tous
les proscrits sera condamné silencieusement
par des magistrats d^une irréprochable dou-
ceur.
Jésus n'avait obtenu des Juifs que la
haine, et quelle haine ! Les Chrétiens feront
largesse au Paraclet de ce qui est au-delà
de la haine.
11 est tellement TEnnemi, tellement l'iden^
tique de ce Lucifer qui fut nommé Prince
des Ténèbres^ qu'il est à peu près impos-
sible — fût-ce dans l'extase béatifîque ^— de
les séparer...
Qîie celui gui peut comprendre comprenne,
La Mère du Christ a été dite l'Epouse de
cet Inconnu dont l'Eglise a peur, et c^est assu-
rément pour cette raison que la Vierge très
prudente est invoquée sous les noms d'ETOlLE
DU MATIN et de Vaisseau spirituel.
Il faudra, néanmoins, en vue d'opérer le
« déchaînement » de l'Abîme, que cette Eglise
des Martyrs et des Confesseurs, à genoux aux
pieds de Marie, renouvelle contre TEsprit Créa-
130 LE SALUT PAR LES JUIFS
teur, — avec une férocité pacifique, — le déchaî-
nement de la Synagogue.
Mais le cœur des hommes se dessécherait
à la pensée de ce solstice brûlant de l'été du
monde, où TEssence même du Feu grondera
dans les Sept brasiers de P Amour vainqueur ; et
où l'avare Figuier si longtemps maudit, si long-
temps arrosé d^ordures, sera tenu de donner
enfin le seul Fruit de délectation et de réconfort
capable d'arrêter les vomissements de Dieu.
. Il sera tout simple alors qu'il descende^ le
Crucifié, puisque la Croix de son opprobre est
justement l'image et la ressemblance infinie du
Libérateur vagabond qu'il appela dix-neuf siè-
cles, — et, sans doute aussi, comprendra-t-on
que je suis moi-même cette Croix, de la tête aux
pieds!...
Car LE SALUT du monde est cloué sur
Moi, ISRAËL, et c'est de Moi qu'il hd faut
« descendre » .
Antony, Décollation de saint Je an- Baptiste, i8ç2.
IN EXELSO
EzÉCHiEL> chap. 57.
1 Facta est super me manus Domini, et eduxit
me m Spiritu Domini : et diraisit me in medio campi,
qui erat plenus ossibus.
2 Et circumduxit me per ea in gyro : erant
autem multa valdè super faciem campi, siccaque
vehementer.
3 Et dixit ad me : Fili hominis, putasne yivent
ossa ista? Etdixi : Domine Deus, tu nosti.
4 Et dixii ad me : Vaticinare* de ossibus istis :
et dices eis : Ossa arida audite Verbuùi Domini.
5 Haec dicit Dominus deus ossibus his : Ecce
ego intromittam in vos Spiritum et vivelis.
6 Et dabo super vos nervos, et succrescere
faciam super vos carnes, et supercxtendam in vobis
cutém : et dabo vobis Spiritum et vivetis, et scietis
quia ego Dominus.
7 Et prophetavi sicut prœceperat mihi : factus est
autem sonitus, prophetante me, et ecce commotio : et
132 LE SALUT PAR LES JUIFS
accesserunt ossa ad ossa, uuumquodque ad juncluram
suam.
8 Et YÎdi. et ccce su[;er ea nervi et carnet
ascenderimt : et extenta est in eis cutis desuper, es
Spiritum non habcbant.
9 Et dixit ad me : Vaticinarc ad Spiritum, vati-
cinare fili liominis, et diccs ad Spiritum : Ilsec dicit
Dominus Deus : A quatuor ventis veni SpiriUiSy
et insuffla super interfectos istos et reviviscant.
10 Et prophctavi sicut prseceperat mihi : et
ingresïus est in ea Spiritus, et vixerunt, stcteruntque
super pedes suos exercitus grandis nimis valdc.
1 1 Et dixit ad me : Fili liominis, ossa luec nni-
versŒy DOMUS ISRAËL est : ipsi dicunt : Aruerunt
ossa nostra, et pcriit spes nostra et abscis:^i sumus.
12 Propterea vaticinare et dices ad eos : Haec
dicit D )minus Deus : Ecce ego aperiam tumulos ves-
tros, et educam vos de sepulchris ve.^tris, populus
meus : et inducam vos in terram Israël.
13 Et scietis quia ego Dominus, cum aperuero
scpulchra vestra et eduxero vos de tumulis vestris,
I)opule meus :
l^i Et dedero Spiritum memn in vobis, et vixe-
ritis, et requiescere vos faciam super liumum vestram :
et scietis quia ego Dominus locutus sum, et feci, ait
Dominus Deus.
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1
Imprimerie H. Richard, 3, rue Milton. .